mardi 16 octobre 2018

L'été de mes 60 ans (8)

Épisode 8 - 16 octobre 2018 - Les pirates de Corne à bouc !

Sommaire de la série :
Épisode 1Épisode 2Épisode 3Épisode 4Épisode 5Épisode 6Épisode 7Épisode 8

Lors d'une randonnée Argentière-La Flégère vers 2010, j'avais aperçu un spit sur une jolie dalle verte au bord du chemin, qui donnait des fourmis dans les pieds. Impossible d'en savoir plus, ce départ restait un mystère. Quand j'en découvris le topo dans la nouvelle édition du guide Olizane, l'envie revint, tenace.
Une fois encore, “le pouvoir des livres” agissait. Comme Zian connaît à peu près tout dans son secteur, je l'interrogeai, car un topo c'est bien, l'avis d'un pro, c'est mieux ! La réponse fut laconique : « Je l'ai faite, c'est une jolie voie, point trop dure. »
Elle allait donc être inscrite au programme de cette ultime escalade de la saison 2018, en cette mi-octobre d'été indien… proposée également à Laurie, en espérant qu'elle apprécierait.

“Corne à bouc !” n'est pas un juron de pirate, mais bien la dénomination de ce secteur de dalles, légèrement en amont d'Argentière. Le nom exact de la voie est “Baf ! d'étagne", par trop ésotérique trouvé-je (mais qui s'explique parce qu'une femelle bouquetin, une étagne, chahuta un des protagonistes de l'ouverture, effectuée en 2008 par le guide Gilles Ravanel, Bernard et Nicolas Glée).

Le départ de la marche d'approche étant carrément dans le village, nous avons rendez-vous dans un café du centre d'Argentière. Un début relax et convivial !
Une heure et quelque d'approche, équipement, départ…



L1-L2 : la dalle verte tient ses promesses, délicate, soutenue, avec deux beaux passages en 5b+, ça commence bien ! Le relais est shunté et nous poursuivons par une dalle en 4c avant d'atteindre une confortable vire champêtre garnie de bouleaux. Ambiance automnale superbe, que de couleurs !


L3 : étonnante longueur, de la végétation avec des “morceaux de dalle”, façon yaourt, qui débouche sur un surplomb d'allure infranchissable…


…qui se franchit par un crochet à gauche et une enjambée au-dessus d'une rigole. Rigolo ! Je commence aussi à comprendre que la double-corde de Zian est très longue.

 Vu d'en bas, à proximité, le surplomb est proéminent… mais on sait comment l'éviter !

L4-L5 : après une petite dalle aussi technique qu'esthétique (4c)

 Chacun son tour sur la petite dalle en 4c

la voie devient facile, toujours sur le mode îlots rocheux dans un océan d'herbe. Sur notre gauche apparaissent les paravalanches rouillés, étranges témoins de l'aménagement humain.

L'un des “intermèdes” de dalles aisées qui relient les passages-clés de la voie

Un autre relais est dépassé.


L6 : nous voici “au pied du mur”. Le passage-clé de la voie est un bref ressaut vertical et photogénique. Zian le franchit élégamment, disparaît de notre vue, puis réapparaît très très loin, tout là-haut, petite silhouette sur un mur. Longue longueur…

 Zian, tout là-haut, à plus de 50 mètres, s'élance dans le mur final de la voie

Laurie me propose de passer avant elle cette fois. Pas facile, ce mur ! Une erreur de démousquetonnage va m'obliger à redescendre d'un mètre avant de recommencer le pas délicat, tout sur les pieds, qu'un bombement masque aux regards (la cotation, précise, serait 5c+, pas vraiment du 6a, mais déjà plus du 5c, jésuitique !).

 Vu de haut le petit mur paraît moins difficile…
Surtout que Laurie le franchit avec aisance et décision

L6-L7 : Nouvel intermède facile avant un finale magnifique sur une dalle redressée de 20-25 mètres, tout en subtilité technique, le 5c est bien là de nouveau.

 “Il est où, le mont Blanc, monsieur le Monchu ? – Ben là, pas de doute !”

Vraiment content, le gars, tout en haut de la dalle de Corne à Bouc !

Nous n'aurons marqué que 4 relais effectifs pour 250 mètres (contre 6 sur le topo). Inflation des cordes pour de “belles envolées” (expression brevetée Rébuffat !).

 Le cérémonial (joyeux) du repliage de la (très longue) corde d'assurage

 Pas question de traîner dans la descente…

Mais ? Ils sont déjà au niveau de l'attaque.  Ah, ces teintes automnales !…

C'est cool, de m'avoir attendu !

Retour au bar vers 14h30. Il est encore temps de déjeuner ! On aimerait ne plus partir d'ici, tant la température est douce, la rue d'Argentière calme, la discussion animée…
Quelques jours plus tard, la neige tombait, la saison basculait vers l'hiver. À l'année prochaine ! (si vous le voulez bien !)