dimanche 2 septembre 2018

L'été de mes 60 ans (1)

En attendant l'apocalypse annoncée, carpe diem pour quelques jours encore, là-haut, dans les montagnes – avant qu'elles ne s'écroulent. Quel titre leur donner ? “L'été de mes soixante ans”, tiens, par exemple, terrible constat du temps qui a passé… Or, s'il y a des lieux où le temps ne s'écoule pas de la même façon, c'est bien en montagne. Croyez-moi ou pas, ces instants de bonheur, qui semblent a posteriori avoir duré quelques secondes, ont eu leurs arrêts sur images proches de l'infini.

Sommaire de la série :
Épisode 1Épisode 2Épisode 3Épisode 4Épisode 5Épisode 6Épisode 7Épisode 8


Épisode 1 - 20 juillet, Hotel California à Planpraz

La voie d'escalade s'appelle “Hotel California”, l'auteur (lisez : “ouvreur”) en est une fois encore Manu Méot, qui sait découvrir des rochers grimpables là où le néophyte ne voit que chaos de végétation, et dont j'avais déjà apprécié La Saumonée ou Label Virginie.

Située à deux pas du téléphérique de Planpraz, la voie commence au bord du sentier, et nous emmène dans quatre ressauts successifs, dix longueurs en quatrième degré, flirtant parfois avec le cinquième.
Le style d'escalade privilégie ce que j'appellerais des “petits murs à becquets”, brefs passages dans lesquels les prises salvatrices (ou salutaires) apparaissent comme par magie au moment où on commence à les prier ardemment de se manifester. Notre cordée, guide et vétéran, est suivie d'une autre, deux Britanniques dont le second affiche au compteur une décennie de plus que l'auteur de ses lignes – comme quoi…

Au chapitre des petits incidents de parcours ?
(1) Des cordes emmêlées par mes soins, sous-titrées avec talent par nos amis anglais, “big f… knots”.
(2) La dixième et dernière longueur, dans un ressaut indépendant, qui s'avère notablement plus difficile que les précédentes, et surtout très athlétique, un genre que je prise (ha ! ha !) peu. D'où une séance de ce qu'on pourrait nommer du “A-triple zéro” (les praticiens comprendront), trois essais et beaucoup d'énergie pour sortir du piège (une photo du passage est visible sur Camp-to-Camp). À croire que les ouvreurs ont voulu, comme dans la chanson des Eagles, réserver le plus dur pour la fin – le solo de guitare en musique, le surplomb redoutable pour l'alpinisme…


C'est à Zian que je dois tout le plaisir de cette sortie : m'avoir précédé, assuré, rassuré, encouragé, photographié, haler presque (à ne pas confondre avec “hâler”), en résumé, guidé, dans ces ressauts de gneiss – ah, le gneiss ! – dans la bonne humeur et la compétence les plus aiguisées. Remerciements à Christophe P. pour ces clichés pris du dixième relais et le salut de la photo figurant plus haut.

Bonus vidéo : “Big F… Knots ” (VO)



Big F… Knots : notre président de la République s'emmêle dans les métaphores

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve que cet extrait du discours sur le plan pauvreté du 12 septembre est pour le moins embrouillé (c'est nous qui soulignons). La corde me paraît curieusement extensible, et la notion de “derniers de cordée” (au pluriel) pas vraiment “alpinistique” si je puis me permettre… Pour tout dire, je préfère partir en course avec Zian qu'avec Manu (avec mes excuses au président).
« Mais considérer que ces trois projets sont indissociables et qu'on n'en réussit pas un sans les autres, ce combat, c'est un combat de justice, de dignité, de responsabilité, n'oublier personne, c'est dire en quelque sorte comme diraient certains, au premier de cordée : n'oubliez pas les derniers de cordée. Et je crois beaucoup, moi, à cette métaphore, pour celles et ceux qui aiment la montagne. Un premier de cordée, il a une corde et il est rattaché à d’autres, et c’est à dessein que j’ai employé cette formule. Il y a toujours des gens pour ouvrir une voie, il y a des gens plus véloces, il y a des gens qui ont plus de chances, il y a tout un tas de raisons. Mais il en faut ! Et tirer sur la corde pour qu’il monte moins vite n’aidera pas ceux qui restent en bas, c’est faux. Et c’est ce qu’on fait, depuis des années parfois : tirons la corde du premier qu’il n’aille pas galoper dans les hauteurs de la montagne, des fois qu’il aille voir le col et passer derrière, ça n’aide en rien ceux qui restent en bas de la montagne. Mais que celui qui monte se souvient qu'il a une corde, et cette corde, elle sert à quoi ? A l'assurer, il n'y a personne qui est premier de cordée s'il (sic) reste de la société ne suit pas. […] Cette cordée, c'est la cohésion d'un pays, c’est nous, et donc j'attends de chacune et chacun pour réussir cela, et ce combat, ce à quoi vous avez travaillé, et ce pourquoi je veux vous remercier, ça n'est pas l'affaire de quelques-uns, ça n'est pas l'affaire de celles et ceux qui resteraient d'un côté de la corde, ça n'est pas non plus un plan et une stratégie du seul gouvernement ou d'une seule ministre, Madame la Ministre... quel que soit votre engagement, et je vous remercie de celui-là »