Sommaire de la série :
Épisode 1 • Épisode 2 • Épisode 3 • Épisode 4 • Épisode 5 • Épisode 6 • Épisode 7 • Épisode 8
Épisode 1 • Épisode 2 • Épisode 3 • Épisode 4 • Épisode 5 • Épisode 6 • Épisode 7 • Épisode 8
Après les Aiguilles Rouges, le côté Mont-Blanc. Changement de versant, de décor, de technique et d'équipage. Nous serons trois, ce 23 juillet. Je retrouve ma timidité naturelle au moment d'aborder la jeune femme qui arrive à la station du téléphérique : “Vous êtes bien la cliente de Zian ?” J'ai toujours apprécié les cordées de trois. Un premier et… deux seconds, plus de travail pour le guide, certes, et plus de convivialité pour les “monchus”, qui se soutiennent moralement. Non sans appréhension : serai-je à la hauteur ?
J'aime ces trajets en téléphériques, calmes et fébriles à la fois, tandis que la benne glisse sur le câble et que l'air se rafraîchit à toute allure. Grands Montets, 3295 m. En face, la Petite Aiguille Verte, 3512 m, de la vraie haute montagne facile d'accès, où je vais retourner pour la treizième fois (1).
Une chance inouïe ! En cet été caniculaire, une récente précipitation a déposé de la neige fraîche, immaculée et scintillante sur la glace grisâtre qui enlaidissait les pentes. L'approche est menée à un rythme de trentenaires – encordé, je ne peux que suivre, en silence, mieux vaut économiser son souffle plutôt que de l'épuiser à râler, après tout…
L'itinéraire dit de la “Demi-Lune” consiste à aborder les pentes sur la gauche, par quelques brèves longueurs assez raides. Ah, quel plaisir de monter plus lentement et de se concentrer sur piolet et crampons ! Rimaye, piolet canne ou ancre, encoches pour les pieds, un terrain récréatif.
Croisement avec Marc (qu'on aperçoit en contrebas ci-dessus) et son client sur la demi-lune. Comme moi, Marc a été monchu, étant jeune ; il est aujourd'hui guide (et a été enseignant à l'ENSA !)… alors que je suis toujours monchu ! Son cliché est des plus réussis (ci-dessous), juste avant que la corde ne me rappelle qu'on m'attend, un peu plus haut.
La fonte des neiges éternelles a mis au jour des blocs formant boîte aux lettres, dans laquelle nous nous glissons, avant d'aborder le “mur” final, aux fissures conçues spécialement pour les pointes avant des crampons. La cordée de trois fonctionne à merveille, Laurie et Zian, par leur “coolitude” de trentenaires, donnent des ailes au sexagénaire. Halte sommitale égayée de produits frais en provenance directe de Suisse – le pays de Laurie.
La descente par la voie normale me paraît plus longue et délicate que dans mes souvenirs. Il faut dire que la glace n'est pas loin, sous la neige fraîche. Je rougis d'aise quand Zian me lance un “vas-y Armand” tandis que je mets un point d'honneur à cramponner face au vide, les pieds en canard… Une longue procession anglophone s'échelonne sur l'itinéraire, nouveau clin d'œil britannique. La rimaye est bouchée, ce qui m'étonne compte tenu des conditions.
Le retour au col des Grands Montets est rapide et aisé. Je laisse les “jeunes” remonter les volées de marches métalliques à toute allure, et les rejoins à la buvette où une bière m'attend, délicate attention, et première pour moi en altitude (“C'est salé, et ma foi désaltérant”, pensé-je en la dégustant). Ah, çà, on est bien, vraiment bien, là-haut, après l'effort, tous les trois à deviser gaiement face aux Drus… Pourquoi donc faut-il redescendre, hein ?
Le même endroit, une semaine plus tard. Le contraste est saisissant. La montagne martyrisée par la canicule…
Addendum : bien nous en a pris de profiter de cette opportunité d'aller à la Petite Verte… Le 11 septembre 2018 (date symbolique), un incendie accidentel devait ravager la gare de Lognan et détruire l'ensemble de l'installation du téléphérique ! À ce jour (juillet 2019), la réouverture est prévue, au mieux, en 2022.
(1) Les alpinistes sont souvent des obsessionnels des listes. Exemple.
Remerciements à Marc, Laurie et Zian pour les photos.