Folie des grandeurs
Tenter un retour à l'escalade ? Ça me démangeait, même si je n'avais pas grimpé depuis une éternité (1995), avec cependant
une exception, en 2005 (six ans, déjà). Saurais-je encore trouver des prises ?
Le meilleur moyen de le savoir était encore d'essayer et, auparavant, de racheter des chaussons d'escalade adaptés à mes petons sensibles : je n'ai pas du tout la vocation des japonaises du XIXe siècle ! La vendeuse du Vieux Campeur se demandait où allait s'arrêter ma “folie des grandeurs” : ce sera du 44 pour un gars chaussant du 42 en ville !
Néo-néophyte
Une fois équipé, je devais trouver un guide assez patient pour conduire un tel néo-néophyte. Ce sera Zian, qui me connaît pour m'avoir emmené à l'
aiguille des Grands Montets ou à l'
arête des Cosmiques. Où aller ? Au téléphone, il m'a proposé exactement ce à quoi j'avais songé quelques mois plus tôt en découvrant
une photo attrayante sur le site d'
Hervé Thivierge (à recommander). Ce seront donc les dalles de Pré de Bar, tout au fond du splendide val Ferret, sur le versant italien du massif du Mont-Blanc.
Ci-dessus : l'ambiance paradisiaque du val Ferret. Le départ et l'arrivée de la voie sont repérés par les deux flèches.
Que dalles ?
Qui dit “dalles” dit escalade délicate, sollicitant peu les bras, rassurante et “cool”. Je suggérai par exemple la voie tout à gauche, “Ryoby”, qui ne dépasse pas le 5a. Moue peu enthousiaste du guide. Il choisira pour moi : la voie “Spitnik”, répondant au signalement de “voie en dalles”… sauf que les ouvreurs, non sans malice, ont décidé de pimenter le parcours de deux passages carrément surplombants, de vrais “toits”.
Le premier sera l'occasion de toutes les manœuvres réprouvées par les tenants de l'escalade dite “libre” : point d'aide (pour les mains et les pieds, avec cordelette s'il vous plaît), ahanements*, blocages de la corde par l'assureur pour autoriser le repos des bras…
* Un néologisme qui s'impose ici, du verbe ahaner, qui se passe de commentaires !
Problèmes de lecture
Un
blog italien précise : “
un tetto di non facile lettura e molto fisico che le guide danno 5c, ma secondo noi è almeno un 6a”, ce qui doit signifier “un toit difficile à lire et très physique, que le topo annonce en 5c mais qui, selon nous, est au moins un 6a” – ceci pour me rassurer sur ma médiocre performance ! Car s'il est difficile à lire, ce toit est aussi difficile à écrire, si je puis me permettre ce calembour…
Ci-dessus : le départ de la dernière (longue) longueur. Un mur, puis un surplomb (on le devine à l'angle de la corde rouge) et le spigolo, ou relaye le premier de la cordée. La corde bleue est l'un des brins de notre rappel.
Le second, fort heureusement moins difficile, se négociera en bon style, sans point d'aide, non sans auto-exhortations à voix haute (!) Quant au reste, c'est du grand plaisir de grimpe, sur un granit très sculpté, avec des dalles “pures” en premières longueurs et des passages plus redressés dans la seconde partie. De quoi s'employer à la “lecture” du rocher, un exercice plus ardu que celle des livres…
Ci-dessus : le “monchu” émerge du dernier mur. On distingue, au fond, une cordée dans la voie “Bierfest”.
La voie n'est pas très longue : 160 mètres environ remontés en 5
longueurs (trois de 25 à 30 m, une de 30 et une dernière de 50, shuntant
un relais). 4 rappels (cordes de 50 m) suffiront pour la descente.
Ci-dessus : Zian réussit un “autoportrait avec client”, pas facile à cadrer !
Il me reste à remercier Zian pour cette expérience ô combien plaisante, organisée avec un soin et un professionnalisme hors-pair ! (Ainsi que pour les photos, bien sûr).
Quelques notes…
Nous avons attaqué par le voie “Ligne blanche”, dont la première longueur est de même difficulté que celle de “Spitnik” (5a, fin et délicat). Suivent une quarantaine de mètres de dalles (4c puis 4b) avant le premier “toit” (5c, 2 spits). La longueur suivante est une promenade, agrémentée d'un petit bloc en 4a. La dernière longueur commence par un petit mur (4c), suivi du second “toit” (5b), d'un “spigolo” arrondi, auquel je préférerai le dièdre à sa droite (4c), avant un final composé d'un dièdre (4c) et d'un mur aimable mais technique (5b). Cette ultime longueur (50 m) peut se découper en deux (relais au sommet du “spigolo”).
Outre le site d'Hervé Thivierge, précité, on trouve un
topo assez complet sur le site Sport Militare Alpino (www.sportmilitarealpino.it), et un très beau reportage photographique sur le site d'un grimpeur italien, à
cette adresse.