Cette ascension de l'arête des Minettes, au Peigne, date du 10 septembre 2005. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. En voici donc un compte-rendu détaillé.
Aiguille du Peigne, arête des Minettes
L’antédiluvien guide Vallot, dans son édition de 1977, boudait l’arête des Minettes, limitant sa description à une phrase laconique : « l’escalader au mieux avec des passages de IV ». Non sans une vague ironie, il présentait l’itinéraire ainsi : « L’appellation est récente, comme la vogue de cette escalade souvent faite et intéressante. » On pourrait s’en contenter. Après tout, le terrain dit d’aventure est devenu si rare… On peut aussi réparer cet oubli et décrire avec un peu plus de précisions cette escalade agréable, variée et d’une difficulté modérée.
Nicole émerge du dièdre de la 4ème longueur, ravie !
En un sens, l’arête des Minettes est une des premières voies, après les Papillons à avoir été baptisée autrement qu’avec des éléments toponymiques — genre « éperon WNW ». L’appellation « récente » évoquée par le Vallot suggère que le mot minettes fait allusion au sobriquet adressé à l’époque aux jeunes filles, terme désormais ringard, totalement passé de mode ! Aujourd’hui, peut-être l’appellerait-on « arête des meufs » ou « arête des nanas ». Mais foin de machisme alpinistique, il a suffisamment sévi ! Alors va pour les « minettes » et peu importe l’étymologie.
Nicole dans le dièdre de la 5ème longueur.
En août 1943, lorsque Georges Charlet emmena ses deux clients (Alain de Chatellus et Robert Merle d’Aubigné) gravir ces ressauts de granite, il n’avait certainement aucun souci de toponymie. Soyons-lui reconnaissants d’avoir découvert cette petite perle du secteur. L’arête des Minettes est en effet beaucoup moins difficile que son homologue coléoptère, et surtout moins pénible. Une succession de fissures et de dièdres toujours riches en prises, avec un final un peu plus rude si l’on choisit d’aller jusqu’au terme de l’ascension (mais qui doit être contournable par la droite). Le seul défaut qu’on pourrait lui trouver est que le lichen est souvent présent, quoique abondamment « désherbé » par les nombreux passages, au point qu’en rencontrer trop signifie que l’on s’est vraisemblablement égaré.
Sortie du dièdre de la 5ème longueur.
Notes du « monchu »
Pour ma part, j’ai gravi cette voie à quatre reprises, sans jamais suivre exactement le même itinéraire : une première fois en poussant jusqu’au gendarme 3009, mais sans utiliser le passage final athlétique, une deuxième fois en arrêtant les frais dès les premières dalles vertes, une troisième fois comme zakouski à la combinaison Peigne-Carmichaël, et une quatrième, toute récente, en attaquant directement le ressaut principal, pour terminer par les trois rappels évoqués ici. « Monchu de mon état », comme Obélix est livreur de menhirs « de son état », j’ai toujours été conduit dans cette ascension par des guides (*) — ce qui me laissait tout loisir d’observer et de noter le cheminement !
(*) Gilbert Pareau, Christian Dufour et Claude Jaccoux, qu’ils en soient ici remerciés !
Claude dans la dalle au départ de la 5ème longueur.
Difficulté et équipement
Ensemble AD sup., 5b maximum, 4b obligatoire.
Les relais de la voie sont équipés en spits, et il est possible d’établir des relais intermédiaires sur sangles. Quelques pitons dans les longueurs (rarement plus de deux, quelques spits). Le rocher est propice à l’ajout de coinceurs. Rappels équipés en spits.
Approche et attaque
Du Plan de l’Aiguille, prendre le sentier en direction du Peigne, sous la buvette (lacets, quelques équipements) puis remonter la moraine jusqu’au névé du Peigne (plus raide). La sécheresse a fait considérablement maigrir ce pauvre névé qui non seulement peut se révéler glissant (glace vive), mais découvrir des rochers flambant neufs opposant de sérieux obstacles et des « trous » redoutables. Droit au-dessus, les dalles compactes du gendarme Rouge nous dominent (voies « Contamine » et « le maillon manquant » notamment). Gravir ce névé « au mieux » pour rejoindre le démarrage d’une sente qui traverse horizontalement à gauche, passe au-dessus d’un ressaut raide (exposé) en coupant la base de l’arête des Minettes pour donner accès au couloir des Papillons. L’arête homonyme le borde à gauche, tandis que les « Minettes » se situent à droite.
Deux possibilités pour attaquer et atteindre R1 :
a) Soit commencer l’escalade par le premier ressaut, peu marqué, en trois courtes longueurs (petites dalles entrecoupées de passages faciles, 3c et 4a) ;
b) Soit remonter le couloir plus haut, et rejoindre la base du ressaut principal en oblique à droite (passer à gauche d’une lame dressée pointue, 3a).
Escalade
Emprunter des cannelures grises à gauche du fil (3b, spit) puis une fissure rougeâtre orientée à droite (un pas de 4b au départ, puis 3b). R2. Une petite dülfer (3b) suivie d’une traversée sur une petite vire (1 piton) permet de tourner un angle et de descendre dans un dièdre que l’on escalade (4b). R3. Une fissure, suivie d’un nouvel angle à tourner, donne accès à un second dièdre plus facile (3a, sortie en 4b). R4. Escalader des dalles à droite d’un auvent (1 piton au départ, 3b). Du fil, revenir à gauche dans des fissures (un pas de 4b). R5 au-dessus des première dalles vertes. Descendre un petit bloc et traverser les dalles sous le fil de l’arête (facile). R6. Reprendre l’arête à droite (3b), traverser à gauche et surmonter un petit surplomb pour entrer dans un dièdre (2 pitons, Ao ou 5b). R7 sur de nouvelles dalles vertes. Sous un petit gendarme, effectuer une descente en diagonale à gauche, se retourner (1 spit) et gravir à gauche des feuillets (athlétique, 5b). R8 sur les dalles vertes terminales.
Les dalles vertes de la partie finale, dans une ambiance mystérieuse…
La traversée complexe (et facultative) de la 8ème longueur.
Descente
Il est possible de descendre depuis les premières dalles vertes (R6) par une désescalade (exposé) puis un rappel installé au-dessus d’une écaille.
Depuis le terminus de l’arête (R8 dans notre description), effectuer un premier rappel direct depuis un ancrage bien visible quelques mètres sous le relais, traverser un couloir pour découvrir le deuxième ancrage caché derrière une arête. Le deuxième rappel est partiellement en fil d’araignée. Le troisième rappel est plus aisé. Descendre ensuite en désescalade le couloir (nombreuses pierres instables) jusqu’à l’attaque.
On peut aussi poursuivre l’ascension jusqu’au gendarme 3009 par un couloir à droite de la partie terminale de l’arête (non équipé, 2b à 3b) et, de là, continuer jusqu’au Peigne, voire au-delà jusqu’à l’aiguille des Pèlerins par la voie Carmichaël…