
Le refuge du Pigeonnier et le pic du Vaccivier.
Ceux qui connaissent l’auteur de ces lignes s’étonneront qu’il ait envisagé d’aller en montagne sans consulter au préalable force topos et notes techniques, d’autant qu’il s’aventurait en dehors des limites du massif du Mont-Blanc – tel le parisien se rendant soudain compte qu’un autre monde existe au-delà du boulevard périphérique. Eh bien croyez-le ou pas, il partit sans disposer d'aucune information sur l'ascension projetée, au point d'ailleurs que celle-ci évolua en cours de route, mais n'anticipons pas…

Surprises sur prises
L’instigateur de cet audacieux projet n’était autre que Benoît (orthoptiste, deuchiste et inscrit à CampToCamp entre autres références) qui avait déjà réussi l’exploit d’entraîner son ami Jean-Luc au mont Aiguille, au Grand Paradis et à la pointe de la Réchasse. Passant du statut de “projet” à celui de réalité le 14 juillet, cette nouvelle ascension se révéla riche en surprises.

De gauche à droite : Jean-Luc, Françoise, Pascal et Benoît.
À la façon des Trois Mousquetaires, la caravane se composa non de trois personnes mais de quatre. Pascal, le guide, avec qui Benoît et votre serviteur avaient déjà gravi les deux premiers sommets précités, avait proposé de monter aux Rouies dans le massif des Écrins. Il avait eu aussi l’idée d’associer son épouse à la cordée. Et de quatre !

La météo, capricieuse selon son habitude, avait accumulé tous les signes d’une dégradation susceptible de compromettre la course – et d'occasionner une mauvaise surprise, que ce soit mardi 13 au soir, avec l’arrivée de nuages sinon noirs du moins gris (très) sombre, ou mercredi 14 au matin : à 4 heures, déjà, les mêmes nuages stationnaient obstinément du côté des Rouies tandis que la température restait trop clémente pour un petit matin à 2400 m d’altitude.

« Ravoures du matin… chagrin ! »
Si de telles conditions rendaient la cigarette fumée en catimini à l’extérieur plus confortable, elles pouvaient aussi décourager le départ. Il n’en fut rien puisque Pascal, assumant la décision comme savent le faire les guides professionnels, n’en parut aucunement préoccupé et eut une intuition juste, confirmée par la dissolution des signes avant-coureurs de mauvais temps tandis que nous montions. L’orage serait pour le lendemain. Durant la première heure de marche, il fallut veiller à ne pas se déconcentrer en tentant (de tête et sans succès) une traduction simultanée du babil de deux anglaises trop jeunes pour être essoufflées. When I was younger, so much younger than today, I never needed anybody's help in any way…

Pascal médite : fera-t-il beau demain ?
Surprise aussi quant à la nature du cheminement
Le lecteur objectera que sans aucune documentation préalable, la surprise n'avait pas lieu d'être. Ce serait compter sans l’imagination, qui faisait fantasmer la voie normale des Rouies comme un long glacier presque horizontal conduisant sans obstacle particulier à un débonnaire sommet. Il s’agissait en réalité d’un vaste névé bordé de murailles abruptes, à la pente prononcée puisque flirtant avec les trente degrés, s’achevant par une écharpe à gauche plus proche des quarante (dixit CampToCamp). Il y avait même un étroit couloir plus raide qui aurait pu servir de voie d’accès au plateau glaciaire sommital, auquel l’écharpe précitée fut préférée pour de compréhensibles motifs d’efficacité et de ménagement des mollets des monchus – ce qui n’empêcha pas Pascal de retenir d’une seule main sûre une brève glissade de l’un des membres de la cordée (le plus lourd pour ne pas le nommer et pour souligner la vigueur de la parade).

Le pic du Vaccivier, 3 312 m (flèche). On distingue à sa gauche l'étroit couloir au-dessus de la pente de neige (masquée ici par l'éperon rocheux).
Surprise enfin sur le point culminant
Ci-dessous, de gauche à droite, les Rouies, le blogueur et le guide au sommet du pic du Vaccivier (merci Françoise pour la photo).


Benoît sera agréablement surpris, pour sa part, d’expérimenter la douceur de la neige bien transformée à la descente, incomparablement plus confortable que la neige molle et profonde du Grand Paradis l’année précédente. Ce qui demanda 2h30 à la montée fut avalé en une heure à la descente (hors arrêt pour ôter les crampons).


Ci-contre : le docteur Taff' ausculte sa motivation matinale (photo Benoît).
Fiche-horaire
Le déroulement de la course est récapitulé dans la “fiche-horaire” ci-dessous, calquée dans sa présentation sur celle des horaires de chemin de fer du temps du Chaix (les amateurs apprécieront). Il fallait bien ajouter une touche “ferrovipathe” à cet article !

Les internautes intéressés par ce tableau, réalisé sous Excel, peuvent le télécharger gratuitement sur le site de “mes” éditions AO André Odemard (et pourquoi pas, chemin faisant, commander un des ouvrages figurant au catalogue !)