dimanche 27 novembre 2011

Les plus beaux sommets du massif du Mont-Blanc

Quand on roule sur autoroute durant quelques heures, il est toujours amusant de chercher un sujet pour occuper ses pensées. Voici quel fut le mien samedi : quels sont les plus beaux sommets du massif du Mont-Blanc que j'ai eu la chance de gravir un jour ?

Les critères retenus ont été : le sommet lui-même, bien sûr ; l'itinéraire suivi pour le gravir a joué aussi ; son “aura” (histoire, aspect vu des vallées) ; et la subjectivité personnelle.

Numéro 1 : l'aiguille Verte (4122 m)
Pour l'esthétique de la montagne, la perfection du sommet, son altitude (un plus de 4000), un belvédère au panorama exceptionnel, la beauté de son itinéraire de montée (le couloir Couturier), l'engagement de son itinéraire de descente (le couloir Whymper), son histoire (de Whymper à Armand Charlet)…

Numéro 2 : le Grépon (3482 m)
Pour sa forme : un véritable monument de granite, pour ses itinéraires (le versant Mer-de-Glace, la fissure Knubel, la voie normale) et leur intérêt technique majeur, pour l'ambiance au sommet…

Numéro 3 : le Chardonnet (3824 m)
Pour l'esthétique de la montagne et de son sommet (en cela comparable à la Verte), pour la beauté de ses itinéraires (l'arête Forbes, magnifique), l'engagement de sa voie normale de descente, son altitude élevée…

Numéro 4 : le mont Maudit (4465 m)
Pour son édifice sommital, relativement peu fréquenté, pour son altitude (le plus haut en dehors de son célèbre voisin), pour son arête Kuffner (un des plus beaux itinéraires du massif), pour son dessin élégant vu de la vallée…

Numéro 5 : l'aiguille de Bionnassay (4052 m)
Pour sa face nord-ouest, pour son sommet effilé (et l'arête conduisant au col, extrêmement fine), pour son allure joliment dessinée vue de la vallée (la symétrie avec l'aiguille de Tricot), pour son altitude (plus de 4000 m)

Numéro 6 : le mont Blanc (4808 m)
Parce que c'est le mont Blanc… ce qui ne lui donne pas pour autant la première place !

Hors concours : l'aiguille du Midi (3842 m)
Pour ses itinéraires en faces sud et nord-ouest (Rébuffat, Mallory, Frendo…). Pour le téléphérique, qui ouvre les portes d'un domaine d'alpinisme richissime (Tacul notamment). Hors concours car on ne peut aller au vrai sommet par des moyens classiques (il ne reste que l'ascenseur).
On remarquera avec amusement que les altitudes du Grépon (3482) et du Chardonnet (3824) sont des anagrammes de celle de l'aiguille du Midi (3842).

Sommets que je n'ai pas gravis et qui entreraient certainement dans la liste :
Les Grandes Jorasses, les Drus, le Grand Capucin, les Courtes, les Droites.

samedi 1 octobre 2011

Récidive ?

Après “Spitnik”, la tentation était grande de profiter encore une fois de la météo clémente pour retourner “grimpailler”. Ce sera aux Chéserys, juste au-dessus de Tré-le-champ, où un topo (voir en fin d'article) annonçait une voie récente aux caractéristiques alléchantes : “Aubade”. Annonce confirmée : une très belle escalade, 100% en dalles, jamais pénible, oscillant entre le 4c et le 5b, qui se révèle être la plus longue des Chéserys avec ses 200 mètres.

La première longueur part directement du sentier. Ah, le gneiss des Aiguilles Rouges et sa couleur caractéristique !

Au terme d'une première longueur de quelque 50 mètres. La dalle d'attaque est visible en bas à droite de la photo.

Un chamois semble avoir décidé de nous suivre. De quoi attraper des complexes !

Le chamois (le vrai), observe les bipèdes qui… l'observent.

Tout en haut de la voie, dans une dalle aisée qui suit un élégant bouclier rocheux assez redressé.

Bis repetita : après l'autoportrait dans “Spitnik”, Zian récidive avec talent. L'avant-dernier relais est installé dans la végétation.

Ce que l'on peut admirer depuis le sommet de la voie. Comme “toile de fond”, on trouve difficilement mieux !

Premier rappel : le “monchu”, les doigts de pied en éventail, se repose tandis que le premier de cordée s'en va à la recherche de l'ancrage suivant…

 Et c'est reparti pour un nouveau rappel de cinquante (et quelques) mètres.

Je ne peux que récidiver ma conclusion de l'article de la semaine dernière :
Il me reste à remercier Zian pour cette expérience ô combien plaisante, organisée avec un soin et un professionnalisme hors-pair ! (Ainsi que pour les photos, bien sûr).

Sources

La toute dernière édition du guide Vamos, une référence, avait permis de découvrir la voie “Aubade”, ouverte tout récemment, en septembre 2010. On ne saurait trop recommander de se procurer cet épais volume, illustré à la fois d'itinéraires dessinés et de photos légendées. Écrit par deux guides, Dominique Potard et François Burnier – ce dernier faisant d'ailleurs partie des ouvreurs de “Aubade“ avec Denis Poussin et Robert Lehmann –, ce topo en est à sa huitième édition !
Lien vers la page du topo sur le site des éditions Vamos.




Hasard ou coïncidence ? J'ai découvert le lendemain de l'ascension qu'un tracé très bien cadré de la voie était apparu tout récemment sur le site d'Hervé Thivierge, Grimpailler.com (où nous avions déjà déniché le topo de “Spitnik” la semaine dernière).
À noter pour les répétiteurs : lors de notre ascension du 1er octobre 2011, le passage-clé (5b) était devenu obligatoire en raison d'un spit dépourvu de plaquette (seul le pas de vis dépassait du rocher). Il s'agit d'un rétablissement délicat au-dessus d'un petit ressaut plus raide que la moyenne de la voie.
L1 : très belle dalle verte
L2 : ressaut en dalle
L3 : nouveau ressaut, plus technique
L4 : le “crux” et un mur soutenu
L5 : nouveau mur, comparable au précédent. Les ouvreurs ont eu le talent de “renifler” les beaux passages
L6 : tout petit passage raide (3-4 m) et marche
L7 : marche, avec ou sans les mains selon les goûts
L8 : bouclier assez raide, bonnes prises, très agréable
L9 : l'inclinaison diminue
L10 : deux bouts de rocher juste pour aller s'installer confortablement dans un espace dégagé
Dans la pratique, il est possible d'enchaîner deux longueurs, mais l'addition dépasse les 50 mètres. Samedi, nous avons effectué une unique longueur de R5 à R9.

mardi 27 septembre 2011

Walter Bonatti

Walter Bonatti, l'un des plus grands alpinistes de sa génération, est mort le 13 septembre dernier, à l'âge de 81 ans (né à Bergame le 22 juillet 1930). Le web regorgeant d'informations le concernant, je n'aurai pas ici la prétention de rédiger une notice exhaustive. Je me contenterai de relever deux caractéristiques marquantes – à mes yeux du moins – de cet alpiniste hors-normes.

Sa précocité tout d'abord.
Bonatti a réussi dès l'âge de seulement 19 ans (1949) de très grandes ascensions : face nord-ouest du piz Badile, face ouest de la Noire de Peuterey et éperon Walker aux Jorasses, sixième ascension pour cette dernière. Excusez du peu ! Et il fêta son 21e anniversaire au bivouac en ouvrant sa célèbre voie du Grand Capucin (20-23 juillet 1951)…

Sa résistance ensuite.
Rarement alpiniste aura résisté à des conditions aussi périlleuses, que ce soit son bivouac sans matériel à plus de 8000 mètres au K2, sa retraite dans la tempête hivernale au retour du mont Blanc (décembre 1956, après avoir tenté d'assister Vincendon et Henry), ou la tentative au pilier du Frêney (1961) : partis à sept, ils subissent les assauts du mauvais temps durant plusieurs jours ; seuls Pierre Mazeaud, Roberto Gallieni et Bonatti survivront durant une terrible retraite… Il faudrait y ajouter ses premières solitaires, à une époque où ce genre d'entreprise était particulièrement hasardeuse (pilier SW des Drus, face nord du Cervin en hiver).

Deux jours avant sa disparition, une sorte d'écho symbolique s'était produit aux Drus, non loin du pilier qui portait son nom : une vaste plaque de rocher s'écroulait avec fracas…

lundi 26 septembre 2011

Spitnik - val Ferret

Folie des grandeurs
Tenter un retour à l'escalade ? Ça me démangeait, même si je n'avais pas grimpé depuis une éternité (1995), avec cependant une exception, en 2005 (six ans, déjà). Saurais-je encore trouver des prises ?

Le meilleur moyen de le savoir était encore d'essayer et, auparavant, de racheter des chaussons d'escalade adaptés à mes petons sensibles : je n'ai pas du tout la vocation des japonaises du XIXe siècle ! La vendeuse du Vieux Campeur se demandait où allait s'arrêter ma “folie des grandeurs” : ce sera du 44 pour un gars chaussant du 42 en ville !

Néo-néophyte
Une fois équipé, je devais trouver un guide assez patient pour conduire un tel néo-néophyte. Ce sera Zian, qui me connaît pour m'avoir emmené à l'aiguille des Grands Montets ou à l'arête des Cosmiques. Où aller ? Au téléphone, il m'a proposé exactement ce à quoi j'avais songé quelques mois plus tôt en découvrant une photo attrayante sur le site d'Hervé Thivierge (à recommander). Ce seront donc les dalles de Pré de Bar, tout au fond du splendide val Ferret, sur le versant italien du massif du Mont-Blanc.

Ci-dessus : l'ambiance paradisiaque du val Ferret. Le départ et l'arrivée de la voie sont repérés par les deux flèches.

Que dalles ?
Qui dit “dalles” dit escalade délicate, sollicitant peu les bras, rassurante et “cool”. Je suggérai par exemple la voie tout à gauche, “Ryoby”, qui ne dépasse pas le 5a. Moue peu enthousiaste du guide. Il choisira pour moi : la voie “Spitnik”, répondant au signalement de “voie en dalles”… sauf que les ouvreurs, non sans malice, ont décidé de pimenter le parcours de deux passages carrément surplombants, de vrais “toits”.

Le premier sera l'occasion de toutes les manœuvres réprouvées par les tenants de l'escalade dite “libre” : point d'aide (pour les mains et les pieds, avec cordelette s'il vous plaît), ahanements*, blocages de la corde par l'assureur pour autoriser le repos des bras…
* Un néologisme qui s'impose ici, du verbe ahaner, qui se passe de commentaires !

Problèmes de lecture
Un blog italien précise : “un tetto di non facile lettura e molto fisico che le guide danno 5c, ma secondo noi è almeno un 6a”, ce qui doit signifier “un toit difficile à lire et très physique, que le topo annonce en 5c mais qui, selon nous, est au moins un 6a” – ceci pour me rassurer sur ma médiocre performance ! Car s'il est difficile à lire, ce toit est aussi difficile à écrire, si je puis me permettre ce calembour…

Ci-dessus : le départ de la dernière (longue) longueur. Un mur, puis un surplomb (on le devine à l'angle de la corde rouge) et le spigolo, ou relaye le premier de la cordée. La corde bleue est l'un des brins de notre rappel.

Le second, fort heureusement moins difficile, se négociera en bon style, sans point d'aide, non sans auto-exhortations à voix haute (!) Quant au reste, c'est du grand plaisir de grimpe, sur un granit très sculpté, avec des dalles “pures” en premières longueurs et des passages plus redressés dans la seconde partie. De quoi s'employer à la “lecture” du rocher, un exercice plus ardu que celle des livres…

Ci-dessus : le “monchu” émerge du dernier mur. On distingue, au fond, une cordée dans la voie “Bierfest”.

La voie n'est pas très longue : 160 mètres environ remontés en 5 longueurs (trois de 25 à 30 m, une de 30 et une dernière de 50, shuntant un relais). 4 rappels (cordes de 50 m) suffiront pour la descente.

Ci-dessus : Zian réussit un “autoportrait avec client”, pas facile à cadrer !

Il me reste à remercier Zian pour cette expérience ô combien plaisante, organisée avec un soin et un professionnalisme hors-pair ! (Ainsi que pour les photos, bien sûr).

Quelques notes…
Nous avons attaqué par le voie “Ligne blanche”, dont la première longueur est de même difficulté que celle de “Spitnik” (5a, fin et délicat). Suivent une quarantaine de mètres de dalles (4c puis 4b) avant le premier “toit” (5c, 2 spits). La longueur suivante est une promenade, agrémentée d'un petit bloc en 4a. La dernière longueur commence par un petit mur (4c), suivi du second “toit” (5b), d'un “spigolo” arrondi, auquel je préférerai le dièdre à sa droite (4c), avant un final composé d'un dièdre (4c) et d'un mur aimable mais technique (5b). Cette ultime longueur (50 m) peut se découper en deux (relais au sommet du “spigolo”).
Outre le site d'Hervé Thivierge, précité, on trouve un topo assez complet sur le site Sport Militare Alpino (www.sportmilitarealpino.it), et un très beau reportage photographique sur le site d'un grimpeur italien, à cette adresse.

samedi 16 juillet 2011

Une histoire de Dôme

Ce panorama, j'ai la chance de le contempler régulièrement depuis des décennies :


Ambiance “neige fraîche” le 13 juillet 2011.

Concentrons-nous sur le motif central, Goûter et mont Blanc, en fin de journée le 15 juillet 2011 :


Comme semble l'indiquer cet ancien croquis, dessiné par mon père dans les années soixante-dix :


…le Dôme du Goûter se situe à gauche de l'aiguille homonyme, repérable à une côte rocheuse sous son sommet.
Or… il n'en est rien ! Il aura fallu près de cinquante années avant que je ne me rende compte que…


1. Le Dôme du Goûter est la bosse plus à droite (4304 m), que la perspective fait paraître moins haut que l'autre sommet
2. Ce sommet marqué par une petite côte rocheuse est la pointe Bayeux (4258 m)
3. La trace des ascensionnistes du mont Blanc passe bien entre les deux sommets
4. Le refuge de l'aiguille du Goûter, d'où ils sont partis
5. Le mont Blanc, caché derrière la bosse de la pointe Bayeux
6. Ce qui devrait être la pointe Bravais (4057 m)
7. Le Mur de la Côte, sur l'itinéraire des “trois monts”
8. Le refuge de Tête Rousse
9. Le piton des Italiens

Fantastique découverte !
(Bon, je sais, il faut être initié pour comprendre le sens de cette remarque).

PS : je ne sais toujours pas si, oui ou non, je suis passé au sommet du Dôme…