dimanche 31 août 2008

Argentiere Grand Roc : architecture et montagne

La question de l'architecture de montagne est épineuse, écartelée entre un passé révolu et une modernité parfois violente. Le Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement (CAUE) de Haute-Savoie a mis en ligne une plaquette sur l'architecture de la vallée de Chamonix qui apporte d'utiles éclaircissements.

L'architecture traditionnelle de montagne ne s'embarrassait pas de principes ou de discours. Elle se contentait de répondre aux contraintes de son environnement et de s'adapter aux besoins de ses habitants. Maisons groupées et contigües, grenier à foin servant d'isolant thermique, partie basse en pierre ou maçonnerie pour l'habitation et l'hébergement des animaux, toiture en pente pour que la neige puisse s'écouler sans trop charger les charpentes.

Tourisme et architecture
L'irruption du tourisme, dès le XVIIIè siècle, a changé la donne. On peut voir aujourd'hui encore la signature des deux précurseurs anglais du tourisme, Windham et Pocock, venus dès 1741 au Montenvers, admirer la Mer de glace.


Ci-dessus : signature des deux Anglais, visible depuis le sentier passant sous les installations du Montenvers, à peu près à l'aplomb de la grande terrasse circulaire.

Le sentier est accessible depuis les Mottets, ou en descendant les premiers lacets du sentier dit de la Grotte de Glace et en prenant tout de suite sur la gauche au premier voirage. De là, la vue sur la Mer de glace et les Grandes Jorasses est splendide. (cf. ci-contre) On comprend l'enthousiasme de nos deux touristes de l'époque !




Folklorisation

Dès lors, quelle architecture adopter ? Les réponses seront multiples et désordonnées. Des grands palaces des XIXè et XXè siècles aux chalets copiés sur le modèle Suisse – assez éloigné de l'habitat savoyard – en passant par des villas inspirées de celles que l'on trouvait à Deauville ou Biarritz, aucun modèle ne domine, conduisant à une hétérogénéité surprenante. Le passage en force de la démarche dite "moderne" des années 60 et 70 n'arrange rien. Aujourd'hui, un certain désarroi aboutit à la "folklorisation" du bâti. Le CAUE cite Le Corbusier. On peut avoir une opinion contrastée sur le célèbre architecte et urbaniste. Il n'empêche : dès 1957, il avait compris le travers dans lequel nous sommes désormais tombés :
Copier servilement le passé, c'est se condamner au mensonge, c'est ériger le "faux" en principe. […] En mêlant le "faux" au vrai, […] on n'aboutit qu'à une reconstitution factice juste capable de jeter le discrédit sur les témoignages authentiques qu'on avait le plus à cœur de conserver.

Deux exemples à vingt années d'écart
En haut de la vallée de Chamonix, à Argentière, deux ensembles immobiliers se font face, chacun représentant deux tendances emblématiques de l'architecture résidentielle de tourisme.



La résidence "Cristal" donne un exemple parfait de "folklorisation" : toitures exagérément découpées, volumes sans utilité telle cette espèce de clocheton de chapelle (!), frises décorées avec excès, luxe tapageur et racoleur. La construction est récente (moins de dix ans).
Exactement ce que Le Corbusier dénonçait à l'avance comme du "faux". Une telle architecture ne ressemble à rien, n'a aucune justification fonctionnelle, est très coûteuse à construire et ne sert en définitive qu'à flatter une clientèle séduite par les "signes extérieurs de richesse", que l'on enfonce avec plaisir dans sa médiocrité.



La résidence Grand Roc, plus ancienne (1970), conçue par l'architecte Claude Balick (*), pourrait apparaître comme l'archétype du "grand ensemble" de montagne, si décrié. Si l'on y regarde de plus près, c'est plutôt d'un des rares contre-exemples de réussite dont il s'agit.



• Le choix systématique du logement en duplex avec mezzanine allège la façade (chaque étage est en réalité double), favorise la luminosité et la vue.
Le dessin sophistiqué des toitures s'appuie sur la nécessité d'une protection contre la neige (pentes) sans pour autant "singer" les chalets, ce qui serait vain, tout en jouant avec virtuosité des perspectives, un peu comme dans les tableaux cubistes.
La densité de la résidence est certes pesante pour les plus hauts des trois bâtiments, en particulier celui qui compte cinq niveaux de duplex (10 étages).

Cependant, cette réponse à un besoin quantitatif permet d'occuper moins d'espace. Placée en contrebas de la route, la résidence évite de s'imposer à la vue. Ainsi dégagée de références proches, elle adopte une échelle qui, comparée à celle des montagnes environnantes, demeure modeste. Sans oublier que le nombre d'étages permet à la majorité des résidents de profiter de la vue sur le massif du Mont-Blanc – ce qui est loin d'être le cas de chalets individuels se gênant les uns les autres…



Ce plan en 3D vous donnera une idée de l'agencement d'un duplex de la résidence Grand Roc. L'organisation du logement emprunte à celle des bateaux par sa façon de ne perdre aucune place. La mezzanine offre du volume, changeant la perception de l'habitabilité et diffusant la lumière. Les économies de surface permettent de disposer de WC séparés de la salle de bains tandis que le coin-repas peut être escamoté par le truchement d'une table relevable. Le balcon agrandit l'espace disponible, avec une balustrade garantissant une relative intimité.

Démocratisation ?
Que l'on ne s'y trompe pas toutefois : l'architecture de grande densité prétendait "démocratiser" l'accès à la montagne, en particulier pour les sports d'hiver, en réduisant les surfaces habitables au strict minimum. La résidence Grand Roc, dès sa construction, se positionnait d'entrée de jeu sur le terrain du luxe, déjà ! Mais elle a plutôt bien vieilli, prouvant avec le temps son adaptation à sa fonction et sa cohérence de conception.

En ce début de XXIè siècle, il n'est plus question de démocratisation. Nous sommes revenus cent ans en arrière, à ce que le CAUE nomme le "tourisme de luxe" :
Au début du XXè siècle, le tourisme est encore réservé à une clientèle fortunée – souvent aristocratique – qui se déplace en villégiature à Chamonix, Biarritz ou encore Deauville. Pour cette clientèle internationale de luxe, on construit des bâtiments gigantesques et fastueux.

Sous la pression d'une demande désormais mondialisée, attirée par la beauté du massif du Mont-Blanc, les prix se sont envolés, au point qu'un petit logement de 40 m2 dans la résidence Cristal précitée cherche preneur à près de 300 000 €, ou que les duplex de Grand Roc sont proposés à des prix s'inscrivant dans une fourchette de 170 000 à 250 000 € pour des superficies de 35 à 50 m2 (en 2003, les mêmes appartements affichaient 90 000 à 120 000 €, soit un doublement en cinq ans !). On consultera le site de l'agence Montagne d'Argentière, spécialisée dans ces logements pour se faire une idée plus précise du marché.

Quelle densité ?
Et l'on en revient toujours à la même question : quelle densité ? Si les abus outrageux des années 60 et 70 n'avaient pas déconsidéré pour longtemps (pour toujours ?) les immeubles de grande hauteur, peut-être aurait-on bâti autrement dans une vallée comme celle de Chamonix, réduisant autant que faire se peut la pression immobilière. Mais il est trop tard désormais ! Les "chalets suisses" des années 30 ou 40 s'évaluent désormais en millions d'euros dans la partie la plus cotée de la Vallée… Quant aux logements locatifs "abordables" (sans même aller jusqu'aux logements dits "sociaux") ils se comptent sur les doigts de la main et plus aucun terrain n'est disponible pour en construire, sauf peut-être en bordure de voie ferrée (chantier en cours à la sortie amont de Chamonix).

Addendum du 14 septembre 2014
Un internaute nous a envoyé une photo d'un chalet construit par Claude Balick, à Thollon (74) dans un ensemble également nommé “Grand Roc”. Qu'il en soit ici remercié ! Il nous précise que « La technique des demi niveaux y est utiliser pour répartir les surfaces entre pièces à vivre, à dormir et pièces utilitaires. »



(*) Peu d'informations sont disponibles sur l'architecte Claude Balick. Quelques recherches sur le Web m'ont permis de découvrir certaines de ses réalisations sur le site d'un collectionneur de cartes postales consacrées à l'architecture : archipostcard.blogspot.com
L'architecte a en effet signé des réalisations à Parly 2 (ci-contre, les balcons triangulaires préfigurent ceux de Grand Roc) ou à Ris-Orangis avec les gigantesques "Hameaux de la Roche" : 757 pavillons et 516 appartements (1965-69).

samedi 30 août 2008

Pointe de la Réchasse : y'a un cheminement

Après le mont Aiguille, la traversée des pointes Lachenal et le Grand Paradis, voici que les deux compères Benoît et Jean-Luc sont partis pour de nouvelles aventures, en Vanoise cette fois-ci.


Une affaire de cordées…

Le 6 août dernier, ils eurent le plaisir et l’avantage de gravir la pointe de la Réchasse (3212 m), au départ du refuge du col de la Vanoise (alias Félix Faure), au sein d’une sympathique « collective » conduite par le tout aussi sympathique Émile Chaillan, guide et généreux pédagogue. Benoît a laissé des traces (profondes) dans la neige, mais aussi des traces sur le Web, à cette adresse : www.camptocamp.org/outings/135428, sur laquelle vous trouverez d'utiles précisions. Quant à cet article de blog, c'est un "collage" de photos et d'extraits de notes prises au retour de course, habitude contractée il y a longtemps pour "sauvegarder" les impressions merveilleuses de ce genre d'expériences…

Note : en cliquant sur les images illustrant cet article, vous afficherez en plein écran les versions haute définition dans votre navigateur.


5 août au soir : la pointe de la Réchasse au coucher du soleil



La pointe de la Réchasse ressemble à une jetée avançant dans une mer de neige et de glace (et d'un peu de cailloux aussi, surtout en été). Ses flancs lui donnent des airs de reliefs de la Monument Valley (USA, Utah). Un monument, effectivement ! Il a des allures de cap, que dis-je de péninsule, avec cette longue crête striée de nervures plongeant sur des névés.



Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours même si, je vous le concède, cet article est pour le moins copieux en copie.


De gauche à droite : Benoît I, Benoît II, Jean-Éric, Thierry et Jean-Luc



La grande cordée se composait, outre des deux compères précités, d’un autre Benoît, d’un Jean-Eric et de son oncle Thierry. Tout ce petit monde y trouva son compte, ravi de parcourir un itinéraire varié – glace, neige et roc agrémenté de moraines – en partant de nuit pour profiter du lever de soleil au moment de fixer les « crabes » (crampons) aux souliers.




Lever de soleil sur l'horizon




L'arrêt-crampons : tandis que le jour se lève, nous nous battons avec les lanières…



De la tactique et de la technique
Émile a su captiver son auditoire, que ce soit lors de ses explications sur la tactique – départ à la frontale pour profiter de la température fraîche et de bonnes conditions de neige, sur la technique – comment utiliser au mieux ces pointes de métal, comment remonter un petit mur de rocher escarpé, toponymiques – un tour d’horizon d’érudit depuis le sommet, sur le terrain enfin – tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les glaciers sans oser le demander : moulins, dolines et autres crevasses…

Le "mur" défendant l'accès aux remparts de la Réchasse



Y'a un cheminement !
Émile saura rassurer son monde quoi qu’il arrive, précisant toujours en montrant tel ou tel relief qui pourrait impressionner : « y’a un cheminement ». Nous serons d'ailleurs très contents qu'il nous le déchiffre (ou défriche), ce cheminement, que ce soit dans la nuit noire matinale, au pied du mur, dans les moraines ou sur le glacier…


Le seigneur des Anneaux (de corde)

Les manœuvres de corde sont l'apanage des guides, et leur demandent beaucoup d'attention et de maniements afin d'assurer la progression de la cordée sur le terrain si complexe et varié de la montagne.


La cordée s'échelonne sur la crête de la Réchasse, baignée de la lumière du soleil levant

Le sommet




Le tour d'horizon d'Émile



Imperturbable logique
Selon la logique imperturbable de l'alpinisme, après être montés, nous voici contraints de descendre – logique qui échappe souvent aux personnes observant de l'extérieur cette étrange activité. Afin d'éviter toute monotonie, Émile avait prévu de revenir par l'autre versant, via un agréable cheminement sur glacier.




Marche sur le glacier, sur l'envers du versant de montée




Une cordée sur l'arête, à peu près à l'endroit ou nous sortîmes (j'aime bien un peu de passé simple de temps à autre) du "mur"


Avec le bonjour amical de Benoît et de Jean-Luc

Comment ça marche ?
Le principe de la "collective" est le suivant : les prétendants s'inscrivent au Bureau des guides (1). Ils montent au refuge où ils retrouvent leur guide. La contribution individuelle est de l'ordre de 90 euros, un coût qui peut à la fois paraître élevé… et très modeste au regard de la qualité de la prestation d'un guide comme Émile – connaissance du terrain, pédagogie et garantie de la sécurité de cinq personnes tout de même, le tout occupant une longue journée de 24 heures tout compris. On comparera le service rendu à des cours d'informatique individuels dispensés à 25 euros de l'heure, activité moins risquée, un crash de disque dur étant moins dommageable qu'une chute dans une crevasse !

(1) Bureau des guides de Pralognan-la-Vanoise, BP 17, 73310 Pralognan-la-Vanoise. Téléphone : 04 79 08 71 21

jeudi 26 juin 2008

Gran Paradiso

Pourquoi gravir des montagnes ? Que vont chercher là-haut ces fondus de la neige (parfois fondue d'ailleurs) ? Il est un sommet dont la dénomination en elle-même est une réponse : le Grand Paradis.

Bigre ! Rien que cela ? Le Paradis serait-il accessible au commun des mortels ? Eh bien oui, en voici la preuve.


Derrière le sérac, le Paradis, et l'arrivée du soleil.

Le Grand Paradis culmine à un peu plus de 4000 mètres, ce qui n'est pas le moindre de ses attraits : les alpinistes sont d'incorrigibles collectionneurs et tous les moyens sont bons pour les motiver. Certes, la "Conquête de l'inutile" (dixit Lionel Terray) ne peut qu'exiger une motivation infinie, par construction. Mais s'agit-il d'inutilité ? Oui et non. Oui, car une activité "inutile" dans une société obsédée par l'utile représente déjà une louable et… utile transgression. Non, car si l'on s'acharne à remonter des pentes de neige raides pendant des heures, c'est bien que cela nous semble utile, et point besoin de s'appeler Mazeaud pour autant.


La jonction entre les deux voies d'ascension, vers 3600 mètres d'altitude.

De quarante à cinquante
L'idée consistait à aller gravir un sommet de plus de 4000 mètres, dans un cadre de haute montagne, en écho et en prolongement de l'ascension du mont Aiguille l'année dernière (ainsi d'ailleurs que celle des Pointes Lachenal). Parmi les prétextes utiles, il s'agissait à nouveau de marquer un anniversaire : après les quarante ans de Benoît, les cinquante de Jean-Luc. La même équipe était rassemblée : Pascal Huss, le guide, à qui la charge des deux suiveurs allait à nouveau échoir, et qui remporta à cette occasion un Prix de Patience et de Constance. Et si vous êtes incroyants, un compte rendu est accessible sur le site CampToCamp à cette adresse : www.camptocamp.org/outings/131601/fr


Le Grand Paradis vu du refuge Chabod. Sur la droite, on distingue la trace de la voie "paranormale" (glacier de Laveciau) qui aboutit au Dos d'Âne où l'on retrouve l'itinéraire montant du refuge Victor-Emmanuel II.

La voie paranormale
Pour atteindre ce "Toit du Monde" de nos rêves, il fallut marcher, marcher et encore marcher, à tel point que nous avons cru avoir découvert ce qu'était l'Éternité – il fallait s'y attendre en tentant le Grand Paradis. Quant à l'itinéraire, la voie dite "normale" avait été remplacée à l'initiative du Pascal précité par une sorte de voie "para-normale" aux vertus magiques (1). Il suffit d'ailleurs pour s'en convaincre de redescendre ladite voie "normale", toute notion de "normalité" devenant soudain étrangère. Infinie descente d'une pente non moins infinie, remplie d'une neige constellée de trous, d'abîmes et de précipices sans fond (ou presque, j'exagère mais il y a de cela).


En haut du glacier de Laveciau, non loin du Dos d'Âne. Les skieurs ne peuvent qu'être poussés par le vent, il n'y a pas d'autre explication !


Beaucoup d'appelés et… pas mal d'élus.

Un quart d'heure de Paradis
Et le Paradis ? Il est habité par une Vierge, premier indice de son authenticité. Nous y avons rencontré une Sainte Famille nombreuse, encordée et parlant une langue inconnue – la langue du Pape ? Nous n'y avons séjourné qu'un bref quart d'heure, sous un vent diabolique et un soleil de plomb. Du haut de ces 4061 mètres (environ), nous avons ressenti durant quelques instants le frisson de la fierté qui anime ces indécrottables prétentieux que sont les ascensionnistes. Orgueil, vanité ? Le mieux est de laisser le mot de la fin à Gaston Rébuffat, et tout devient clair, lumineux et simple :

« Qu'on ne se méprenne pas : dans nos escalades faciles ou difficiles, il ne s'agit pas de "victoire sur un sommet". Peut-être pourrait-on parler de "victoire sur soi-même" ? C'est un bien grand mot. Je pense que c'est plus simple et plus direct que cela : la naissance nous a donné un corps, des muscles, un cœur, une âme ; elle nous a apporté aussi, qu'on le veuille ou non, des ardeurs, des élans. Les montagnes – mais il n'y a pas qu'elles – sont des terrains où l'on peut utiliser ce que "gratuitement" la nature nous a donné de meilleur. »



Le passage-clé de l'ascension, au-dessus d'un vide absolu – mes aïeux !

Temps réel et temps irréel

Tandis que j'écris ces lignes, ce jeudi 26 juin, il est 17h35. Il y a de cela seulement deux jours, Benoît et moi étions à mi-parcours du sentier descendant du refuge Victor Emmanuel. Ça n'en finissait plus, à tel point que nous crûmes (ah, le passé simple, c'est compliqué) ne jamais retrouver la Vallée. Et pourtant ! Aujourd'hui, le Paradis est déjà loin, mais il reste dans nos souvenirs pour toujours. Ce n'est pas la moindre des qualités de cette activité "inutile"…


De gauche à droite : Pascal (43), Benoît (41) et Jean-Luc (42).

Générique et remerciements

  • Grand merci à Pascal, dont le métier, si "inutile" (!), nous a apporté tant d'indispensable bonheur (contact sur le site www.altalika.fr).
  • Un vif merci à Benoît pour avoir entraîné l'auteur de ces lignes dans cette incroyable aventure (présent sur le Web notamment par son site orthoptie.net).
  • Mille mercis à nos compagnes, restées dans la Vallée, auxquelles nous n'avons cessé de penser durant toute cette mémorable journée (on ne parlera pas ici de l'accorte serveuse du refuge ni de l'attrayante skieuse de randonnée qui nous doubla sur le glacier).
  • Et un merci ému à mes parents, qui foulèrent cette cime en 1965 et devraient être, l'un comme l'autre, au Paradis à l'heure qu'il est.
——————
(1) Traditionnellement, on appelle voie "normale" d'une montagne l'itinéraire le plus facile et/ou le plus suivi par les alpinistes. Au Grand Paradis, une alternative à la voie normale permet de gagner les alentours du sommet (le « dos d'âne ») en partant non pas du refuge Victor-Emmanuel II, mais du refuge Chabod, via le glacier de Laveciau. À peine plus difficile, un brin plus longue, elle est aussi nettement plus belle que la voie normale, tant par son tracé que par le décor dans lequel elle se développe.

Quelques liens repérés sur la Toile
Un récit d'ascension par la même voie, illustré d'intéressantes photos permettant de comparer l'enneigement estival à celui de cette fin de juin : http://pagesperso-orange.fr/nader1/Le-Grand-Paradis.htm

Imprimatur de Benoît LXVI © 26 juin 2008

jeudi 28 février 2008

Mais où est donc le mont Blanc ?



Un article spécialement rédigé à l'intention d'un ami, pour lequel j'endosse l'habit du "consultant en sommets du massif du Mont-Blanc". La question était la suivante : où se trouve le mont Blanc lorsqu'on a atteint les Posettes ?

L'aiguillette des Posettes (2201 m) domine la vallée de Chamonix depuis son extrémité franco-suisse, non loin de la frontière (col de Balme). Les clichés qui illustrent cette page ont été pris le 20 août 2007 tôt le matin. Ci-contre, l'aiguille Verte (4121 m) et les Drus (à sa droite), au dessus d'un cairn formé de pierres prélevées dans les Ardoisières (où les argentérauds venaient chercher des dalles). Ci-dessous : aux alentours du point culminant de l'aiguillette, garni également de plusieurs cairns et d'une borne géodésique.



Depuis ce joli belvédère, le massif du Mont-Blanc apparaît dans toute sa majesté. La voie d'accès classique au mont Blanc se détache sur l'horizon : aiguille du Goûter (où se situe le refuge homonyme), Dôme du Goûter et, après l'arête dite "des Bosses", le toit de l'Europe (4808 m selon les dernières estimations).
À sa gauche émerge le mont Blanc du Tacul (4248 m).



Juste en dessous, on distingue l'aiguille du Midi (3842 m), dont la particularité est d'être accessible par un téléphérique.



L'aiguille du Midi (3842 m) est reconnaissable à son relais-TV qui la fait ressembler à un clocher d'église et lui confère une silhouette caractéristique.



À votre service !

jeudi 21 février 2008

Le "grand bal" des cascades

Escalader de l'eau ?
Les parapentistes se déplacent "sur" l'air. Mais avez-vous jamais imaginé de pouvoir gravir… de l'eau ?

Si le canyoning permet de descendre des torrents (avec cependant l'aide de cordes), il existe une autre discipline sportive qui permet carrément de gravir de l'eau – oui, vous avez bien lu – en profitant de l'hiver, lorsque la glace fige les cascades. Cette activité, qui emprunte à l'alpinisme ses techniques tout en ajoutant les siennes propres, a quelque chose de surréaliste et de diablement esthétique !

Observez la cascade ci-contre, située à proximité de la frontière franco-suisse, au Châtelard.
Eh bien figurez-vous qu'il est possible de l'escalader, et que l'ambiance est d'une beauté difficile à décrire avec des mots.

D'où cette deuxième photo, prise dans la cascade supérieure…

Ci-dessus : dans la cascade du Pesseux, au Châtelard-Frontière, le 20 janvier 1992. Photo JL Tafforeau, publiée dans le magazine Vertical.

Le grand bal
Durant l'hiver 1991-1992, des conditions exceptionnelles de gel ont été observées dans la région du mont Blanc. À tel point que nombre de cascades, habituellement inaccessibles, ont pu être gravies par les afficionados. J'ai eu la chance inouïe d'être présent à ce moment-là, et d'être conduit dans ces entreprises imposant des précautions pour le moins… techniques par le guide Gilbert Pareau (que l'on voit sur la photo ci-dessus, en train de se frayer un chemin sur les reliefs bleutés de cette cascade. Observez que l'eau trouvait le moyen de couler encore sous la glace).

Des topos renversants
Récemment, l'un des plus grands spécialistes de la glace, François Damilano, a édité deux petits livres en couleurs qui recensent les cascades de la vallée de l'Arve.
Même si vous ne connaissez rien à l'alpinisme, même si l'ascension de cascades de glace vous semble une idée étrange, je vous parie que vous serez fascinés et passionnés en consultant les très nombreuses photographies de ces "topos", comme on les appelle. L'expression "le grand bal" est de F. Damilano, qui, évidemment, a profité de ces hivers d'exception pour réaliser de nombreuses performances dans l'art de la grimpe glaciaire – et qui a poursuivi par la suite ses exploits.

Dry-tooling vs Ancrages secs ?
Les glaciéristes sont même capables de gravir, piolets en mains et crampons aux pieds, des sections rocheuses afin de relier entre eux d'improbables (et instables) stalactites de glace. C'est ce qu'en France nous appelons du "dry-tooling", et qu'un autre grand glaciériste, anglais cette fois, Andy Parkin, désigne comme des "ancrages secs"…

Illustration ci-dessus : couverture du tome 1 des cascades de glace, du mont Blanc au Léman, par Philippe Batoux et Ludovic Seifert, JM éditions 2008. Observez la stalactite auquel est suspendu le grimpeur… et cliquez ici pour en savoir plus, ou là pour télécharger le catalogue (PDF) de l'éditeur.