De droite à gauche :
- L'éperon Seigneur. Yannick Seigneur a inauguré trois éperons sur les huit que compte le versant Chamonix de l'aiguille du Midi. Le tout premier n'est pas visible sur cette photo. Le second tombe à l'aplomb du sommet, presque sous les câbles (31 août 1963).
- L'éperon Frendo fut le premier à être gravi. Il porte le nom de l'un de ses ascensionnistes, Edouard Frendo (11 juillet 1941, avec René Rionda). C'est aussi le plus classique - le plus parcouru - des éperons, car l'un des rares à ne pas être exposé aux chutes de séracs (les tuiles du toit). Votre serviteur a eu le plaisir de l'escalader en 1980.
- L'éperon Boniface-Nominé est en retrait, moins imposant. C'est pourtant le plus ardu, au point que les deux alpinistes qui lui donnèrent leurs noms sont morts en tentant de le gravir en hiver (mars 1972, première par Monaci et Chéré du 7 au 9 mars 1974).
- L'éperon de l'EHM a été gravi pour la première fois et en hiver par Yannick Seigneur, durant son service militaire (8-9 janvier 1966, avec Michel Feuillarade). Une telle "victoire" lui évita les arrêts de rigueur, car il avait omis de demander une permission pour entreprendre l'ascension… (EHM signifie École de Haute Montagne, sous-entendu école militaire, appellation qui contribua à la mansuétude de la hiérarchie).
- L'éperon jumeau tient son nom de sa ressemblance avec le précédent : regardez bien, deux éperons semblables convergent pour déboucher sous les séracs sommitaux (Pierre Dussauge et Jean-Jacques Prieur, 2-3 mars 1971).
- L'éperon Tournier a été gravi pour la première fois quelques années seulement après le Frendo, en 1944 (13 août, Morin, Tournier et Caux). Il fallut aux alpinistes éviter le ressaut central, abrupt et difficile, en passant à gauche, au bord du glacier tourmenté du col du Plan. Plus tard, Walter Cecchinel et Claude Jager rectifièrent le tracé en escaladant directement le ressaut rocheux (juin 1968).
Pour en savoir plus sur l'intégralité des itinéraires qui parcourent ce versant, je ne saurais trop vous recommander d'acheter l'ouvrage de François Damilano, Neige, glace et mixte, le topo du massif du Mont-Blanc, tome 2.
Muni ce ce joli livre, installez-vous à la terrasse de la buvette du Plan de l'Aiguille, et parcourez des yeux les dizaines d'itinéraires tracés dans la face Nord. Il donne le détail de l'histoire de chacune de ces voies ainsi que de leurs tracés, restitués sur de magnifiques photos : un vrai roman !
Vous ne verrez pas passer le temps !
Cerise sur le gâteau, vous pourrez discuter avec le gérant de la buvette et lui montrer que vous n'êtes pas qu'un vulgaire touriste, mais quelqu'un qui s'intéresse à la montagne. Avec un peu de chance, vous arriverez à identifier des grimpeurs sortant de l'un de ces itinéraires les plus courus…
Ci-dessus la même photo (cliché du 16 juillet 2007, vers midi, aiguille oblige), en couleurs cette fois, avec le tracé des trois itinéraires les plus fréquentés, soit de droite à gauche :
- La voie Mallory (1919). Se faufilant adroitement entre les obstacles de la montagne, l'itinéraire tracé par le célèbre Mallory, disparu dans les années 20 lors d'une tentative à l'Everest, passe quasiment sous les câbles du téléphérique construit 36 ans plus tard. Une voie que le rédacteur de ces lignes a eu la chance (bis repetita) de remonter un 28 décembre, au début des années quatre-vingt dix.
- L'éperon Frendo, déjà évoqué, une voie qui commence en rocher et se poursuit sur le fil d'une arête vertigineuse avant de s'achever par un ultime rognon rocheux technique (évitable à droite ou à gauche par les glaciairistes).
- L'éperon Tournier et son tracé subtil. On peut en voir une version vidéo sur le site de TV Mountain.