dimanche 22 juillet 2007

Le Plan du ticket de l'Aiguille

Après l'aiguille du Midi, voici le Plan d'une des voies d'escalade les plus célèbres du secteur, à la dénomination ésotérique : « Le ticket, le carré, le rond et la lune ».
Ouvert au début des années quatre-vingt par Michel Piola et Gérard Hopfgartner, l'itinéraire parcourt le bouclier de dalles qui fait face au Plan de l'Aiguille, sous l'aiguille du Peigne. Haut de 250 mètres, il présente une succession de passages délicats devenus célèbres.


Mais pourquoi ce carré, ce rond et cette lune ?

Pour une raison simple : les tickets vendus par le téléphérique de l'aiguille du Midi à l'époque étaient poinçonnés, comme dans le métro parisien. Les "petits trous" chers au poinçonneur de Gainsbourg étaient cependant beaucoup plus variés, chaque tronçon du téléphérique disposant de son propre dessin : tantôt un carré, tantôt un rond, tantôt une lune…
Des recherches approfondies dans d'anciennes archives m'ont permis d'exhumer ces deux tickets.


Un topo parmi d'autres
[cliquez sur l'image pour afficher une version haute définition]
Au retour d'une escalade, j'ai toujours aimé dessiner le topo de l'itinéraire, ne serait-ce que pour fixer les souvenirs de ces moments hors pair. Il faut dire que le "ticket" est l'une des plus difficiles escalades que j'aie parcourues avec Gilbert Pareau, guide de haute montagne – même si, aux canons d'aujourd'hui elle soit considérée comme (relativement) facile…
Les passages dits "obligatoires" – dans lesquels on ne peut contourner la difficulté en s'aidant de moyens artificiels – atteignent le niveau 6a (sur les 9 que comporte l'échelle en usage). Si l'on grimpe toujours en "libre", sans point d'aide, deux passages dépassent ce niveau, l'un en deuxième longueur (une traversée, 6b) et l'autre au début de la quatrième (un court mur absolument lisse, coté 6b, voire 6c par Giovanni Bassanini).

L'ambiance dans ces dalles est exceptionnelle, assez vertigineuse, et très esthétique, comme le montre cette photo extraite du site du guide Hervé Thivierge (je lui demande de ce pas l'autorisation de la maintenir dans cet article). Son site, grimpailler.com, outre une dénomination astucieuse et drôle, est rempli de topos inédits et de très belles photos de montagne. Prenez un ticket pour aller le visiter, en particulier la page où figure la photo originale.

Pour la petite histoire
C'est avec deux premiers de cordée que j'avais eu la chance de gravir (en 1991) le "Ticket" : Gilbert, le père, et Yannick, le fils, que l'on voit ici à gauche au départ d'un relais (il avait alors seulement 17 ans en ce 19 juillet 1991).
Remarquez la finesse de la fissure servant de prise de main droite, ainsi que le rocher plutôt lisse sur la droite. La voie se compose pour l'essentiel de passages de ce style.
Remerciements sincères à Michel Piola pour avoir ouvert cette très belle voie (et des centaines d'autres) !

D'autres liens
Le site de Giovanni Bassanini figurait à >> ce lien, mais ne semble plus être accessible (à défaut, voyez >> cette page).
La page alpinisme de mon site Web figure >> ici.
Et une récente découverte, le site de l'alpiniste italien Matteo Giglio très riche en photos de toutes sortes, qui permettent de découvrir des ascensions de très haute difficulté comme Omega aux Petites Jorasses.

samedi 21 juillet 2007

La face Nord de l'Aiguille du Midi

Si vous avez la chance de monter à l'aiguille du Midi (en téléphérique ou… à pied) arrêtez-vous quelques instants au Plan de l'Aiguille, vers 2310 m d'altitude, et observez tranquillement la face Nord de l'Aiguille (du Midi, 3842 m). Elle ressemble à une cathédrale : à droite, le clocher (avec une flèche constituée d'un relais TV), face à vous, la toiture (en neige) soutenue par plusieurs arcs-boutants, les "éperons" en langage d'alpinisme. On en dénombre huit, vous en verrez six face à vous. Détaillez-les, et cette face vous paraîtra encore plus belle :


De droite à gauche :
  • L'éperon Seigneur. Yannick Seigneur a inauguré trois éperons sur les huit que compte le versant Chamonix de l'aiguille du Midi. Le tout premier n'est pas visible sur cette photo. Le second tombe à l'aplomb du sommet, presque sous les câbles (31 août 1963).
  • L'éperon Frendo fut le premier à être gravi. Il porte le nom de l'un de ses ascensionnistes, Edouard Frendo (11 juillet 1941, avec René Rionda). C'est aussi le plus classique - le plus parcouru - des éperons, car l'un des rares à ne pas être exposé aux chutes de séracs (les tuiles du toit). Votre serviteur a eu le plaisir de l'escalader en 1980.
  • L'éperon Boniface-Nominé est en retrait, moins imposant. C'est pourtant le plus ardu, au point que les deux alpinistes qui lui donnèrent leurs noms sont morts en tentant de le gravir en hiver (mars 1972, première par Monaci et Chéré du 7 au 9 mars 1974).
  • L'éperon de l'EHM a été gravi pour la première fois et en hiver par Yannick Seigneur, durant son service militaire (8-9 janvier 1966, avec Michel Feuillarade). Une telle "victoire" lui évita les arrêts de rigueur, car il avait omis de demander une permission pour entreprendre l'ascension… (EHM signifie École de Haute Montagne, sous-entendu école militaire, appellation qui contribua à la mansuétude de la hiérarchie).
  • L'éperon jumeau tient son nom de sa ressemblance avec le précédent : regardez bien, deux éperons semblables convergent pour déboucher sous les séracs sommitaux (Pierre Dussauge et Jean-Jacques Prieur, 2-3 mars 1971).
  • L'éperon Tournier a été gravi pour la première fois quelques années seulement après le Frendo, en 1944 (13 août, Morin, Tournier et Caux). Il fallut aux alpinistes éviter le ressaut central, abrupt et difficile, en passant à gauche, au bord du glacier tourmenté du col du Plan. Plus tard, Walter Cecchinel et Claude Jager rectifièrent le tracé en escaladant directement le ressaut rocheux (juin 1968).
Chacun de ces éperons sont séparés par des couloirs, qui ont bien sûr été gravis un jour ou l'autre. Un homme s'illustra tout particulièrement dans ce versant, Robert Chéré. Gendarme au Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM), il se distingua par sa rapidité et son adresse. Alors que la plupart des cordées parcouraient cette face très haute (1200 mètres, quatre Tour Eiffel, tout de même) en une journée, Robert Chéré empruntait la première benne du téléphérique, vers 6 heures du matin, et descendait au Plan (2310 m, rappelons-le). Il parvenait quelques heures plus tard seulement au sommet, après avoir remonté seul, sans assurance et à toute allure, l'intégralité de la paroi. Le couloir Central, entre l'éperon Boniface-Nominé et l'éperon de l'EHM est sa création : il le gravit pour la première fois en seulement 2 heures depuis la rimaye, le 31 juillet 1976… 600 mètres à l'heure, dix mètres par minute… essayez de monter à ce rythme sur un simple sentier et vous vous rendrez compte de la performance ! Robert Chéré a gravi ainsi la plupart des itinéraires de ce versant, et fut le compagnon de Daniel Monaci lors de l'ouverture de l'éperon Boniface-Nominé.

Pour en savoir plus sur l'intégralité des itinéraires qui parcourent ce versant, je ne saurais trop vous recommander d'acheter l'ouvrage de François Damilano, Neige, glace et mixte, le topo du massif du Mont-Blanc, tome 2.
Muni ce ce joli livre, installez-vous à la terrasse de la buvette du Plan de l'Aiguille, et parcourez des yeux les dizaines d'itinéraires tracés dans la face Nord. Il donne le détail de l'histoire de chacune de ces voies ainsi que de leurs tracés, restitués sur de magnifiques photos : un vrai roman !

Vous ne verrez pas passer le temps !

Cerise sur le gâteau, vous pourrez discuter avec le gérant de la buvette et lui montrer que vous n'êtes pas qu'un vulgaire touriste, mais quelqu'un qui s'intéresse à la montagne. Avec un peu de chance, vous arriverez à identifier des grimpeurs sortant de l'un de ces itinéraires les plus courus…



Ci-dessus la même photo (cliché du 16 juillet 2007, vers midi, aiguille oblige), en couleurs cette fois, avec le tracé des trois itinéraires les plus fréquentés, soit de droite à gauche :
  • La voie Mallory (1919). Se faufilant adroitement entre les obstacles de la montagne, l'itinéraire tracé par le célèbre Mallory, disparu dans les années 20 lors d'une tentative à l'Everest, passe quasiment sous les câbles du téléphérique construit 36 ans plus tard. Une voie que le rédacteur de ces lignes a eu la chance (bis repetita) de remonter un 28 décembre, au début des années quatre-vingt dix.
  • L'éperon Frendo, déjà évoqué, une voie qui commence en rocher et se poursuit sur le fil d'une arête vertigineuse avant de s'achever par un ultime rognon rocheux technique (évitable à droite ou à gauche par les glaciairistes).
  • L'éperon Tournier et son tracé subtil. On peut en voir une version vidéo sur le site de TV Mountain.
Bonne contemplation !

dimanche 27 mai 2007

Drus : le topo de la voie "Les Papas"

Les passionnés de topos peuvent enfin se procurer le schéma complet de l'itinéraire ouvert en face Ouest des Drus par Martial Dumas et Jean-Yves Fredriksen, du 28 janvier au 5 février dernier (voir les articles de ce blog des 1er février, 11 février et 23 mars). C'est le magazine Vertical qui en a obtenu l'exclusivité, et le publie en encart de son numéro 5 (mai 2007). Comptant presque trente longueurs, dont certaines de 70 mètres (!), la voie «Les Papas » comporte de nombreux passages de 6b, ainsi que de l'artificielle jusqu'à l'A3. Outre ce topo, on trouve dans le même numéro un récit de Jean-Yves Fredriksen et plusieurs très belles photos.

jeudi 17 mai 2007

Ascension : le mont Aiguille

Choisir le jour de l'Ascension pour relater l'ascension du mont Aiguille, voilà qui paraît approprié. À l'instigation de l'excellent Benoît, orthoptiste de son état, maître-toile et deuchiste entre autres compétences, une caravane composée dudit Benoît, de son frère Olivier, photographe, et de votre serviteur, s'est lancée à l'assaut de ce sommet historique s'il en est. Le tout sous la conduite de Pascal, guide de haute montagne, fin connaisseur de la région et de bien d'autres encore.

Une montagne au caractère affirmé
Chaque montagne a son caractère propre, subtil mélange d'esthétique, d'histoire, de topographie et de toutes les émotions qu'elle déclenche chez les candidats à son ascension. Le mont Aiguille, contrairement à un mont Blanc, n'attire pas les foules pour son altitude, modestement limitée à 2086 m. En revanche, il subjugue instantanément ceux qui l'aperçoivent : véritable château-fort, abrupt sur tous ses versants de calcaire, isolé, posé sur un socle incliné à 45°, il paraît inaccessible. Le sommet est un vaste plateau, prairie accueillante cernée de précipices. Outre sa beauté naturelle, le mont Aiguille est aussi le tout premier sommet dont l'ascension ait été historiquement actée, et symbolise de ce fait l'origine de l'alpinisme, il y a la bagatelle de 515 ans (1492, année de la découverte de l'Amérique).

Benoît rêvait depuis presque quarante années de gravir cet élégant sommet. Opiniâtre, il a mis à profit un anniversaire pour organiser l'expédition. C'est ainsi que, samedi 12 mai dernier, nous avons retrouvé à la Richardière notre guide Pascal, vers 7 heures du matin.
De gauche à droite : Benoît, Olivier et Pascal.
La voie d'ascension classique du mont Aiguille suit les lignes de faiblesse du versant Ouest, difficile à discerner de loin. Grosso modo, elle traverse en diagonale de gauche à droite pour passer derrière une aiguille décollée de la paroi, contourner un ressaut trop raide, revenir sur la gauche pour emprunter une profonde cheminée bien visible du bas. "Ça a de la gueule !" est l'expression qui vient immédiatement à l'esprit.


Sur une vire hospitalière, le sourire revient !
Si quelques câbles facilitent la progression, il n'en demeure pas moins que l'on fait appel à la technique de l'escalade, pas toujours aisée car d'une part on grimpe avec des chaussures de randonnées aux semelles standard, et d'autre part les prises sont parfois très patinées. C'est donc bien d'alpinisme dont il s'agit, ne serait-ce qu'en raison de l'exposition, de l'attention qu'il faut porter au rocher et des sinuosités de l'itinéraire. Quant à la descente, elle réserve quelques surprises !


Ci-dessus : Pascal et les manœuvres de corde, le travail du guide !
Mais c'est avant tout la qualité humaine d'une cordée qui confère à une ascension sa qualité. Et nous avons été servis. Pascal, guide de haute montagne, fait partie de ces hommes capables de donner corps aux rêves de ses clients, quels qu'ils soient. C'est ainsi que, s'il emmène une équipe à l'assaut d'un 7000 m dans l'Himalaya, il ne dédaigne pas de conduire trois personnes dans cette voie normale du mont Aiguille. Attentif, patient, sans forfanterie, il a assuré la qualité de notre "aventure". Dans notre société parfois déshumanisée, dans laquelle la quantité prime souvent sur la qualité, la performance sur l'art ou l'urgence sur le travail bien fait, nous avons eu la preuve que finalement, rien ne vaut plus que l'humain !


Et si c'était cela, l'Aiguille du mont Aiguille ?
Benoît, on l'aura deviné, vient d'avoir quarante ans. Féru d'histoire de l'alpinisme, il n'est pas étonnant qu'il ait choisi ce sommet ! Depuis de nombreuses années nous randonnons ensemble. Je suis ravi d'avoir ainsi fêté avec lui ce chiffre rond – sachant que je m'achemine vers un autre chiffre rond cette année… J'ai été très touché qu'il pense à moi au moment d'organiser l'expédition. Il est vrai que nous partageons l'amour de la montagne ainsi qu'un penchant affirmé en faveur des transports ferroviaires… mais c'est une autre histoire !

Olivier est le frère aîné dudit Benoît (*). Photographe de son état, professeur de physique de formation, il a eu la chance de gravir le mont Blanc à la fin des années 90. Placé en second de cordée, immédiatement après Pascal, il donnera libre cours à ses remarques parfois acerbes sur les difficultés de l'escalade, étant plus porté sur la neige et la glace que sur le roc. Il tentera même de nous convaincre que le mont Aiguille est beaucoup plus difficile que le mont Blanc, sans y parvenir toutefois !
Ci-dessus : grande ambiance dans la cheminée terminale.
Des liens…
Partager une ascension tisse des liens, que symbolise la corde, mais pas seulement. Quelle que soit la difficulté technique, l'important est qu'elle soit proportionnée au niveau de la cordée.


Le sommet, un accueillant plateau revêtu d'une prairie.
La voie normale du mont Aiguille offre toutes les caractéristiques d'une voie d'alpinisme, en particulier les subtilités d'itinéraires. Et pas seulement à la montée : la descente par la vire de l'Arche permet d'aller de surprises en surprises. Chaque détour évitant un éperon ou des surplombs révéle un nouveau couloir, une nouvelle vire, un cheminement inattendu. Ainsi, il est possible de traverser la moitié de la face de droite à gauche.

Et puis il y a les rappels !
De vrais et beaux rappels, le premier d'une trentaine de mètres pour s'échauffer, le second de presque 50 mètres tout de même (**).


Ci-dessus : dans les rappels, on ne sait plus où est le haut, où est le bas, où est le sol et où se trouve la paroi !
Grande ambiance, surtout dans les quelques mètres surplombants, qui ont donné à Olivier l'occasion d'inaugurer une jolie expression : "Je ne touche plus le sol !"

L'ascension : quelques notes

Ci-dessus : la face gravie, avec, à gauche, la voie de montée. À droite, les deux dernières flèches signalent les rappels, le second s'effectuant en réalité derrière une aiguille décollée.
Une longue journée, initiée à Lyon à 4 heures du matin (le Président sera content), la marche d'approche ayant commencé vers 7h20 pour nous conduire au pied de la paroi vers 9h. Les quelque 250 mètres d'escalade demanderont presque 2h30. À midi, nous étions rassemblés à côté du cairn sommital, à 2086 mètres d'altitude. Nous avons noté notre passage dans le livre d'or déposé par Bernard Angelin, sorte de vestale du mont Aiguille, qu'il a gravi plus de… mille fois en trente années ! La descente commença vers 13h, nous ramenant sur le pierrier à 15h. Il ne restait plus qu'à rejoindre la prairie de Serre en une petite heure de descente.

Ci-dessus : l'auteur de ces lignes, photographié par Benoît en pleine action (et réflexion) dans la voie normale du mont Aiguille, lorgnant d'un regard dubitatif les nuages de pluie qui tentaient de nous atteindre…
La météo matinale était menaçante : nuages gris sombre abondants que le soleil avait de la peine à percer, gouttes de pluie du côté des Terres froides, le suspense régna jusqu'au bout. Tandis que nous nous encordions, un rideau de pluie se précipitait en notre direction. Il prendra opportunément la tangente juste avant de nous atteindre, renvoyé par les vents insistants que le Mont doit canaliser par sa situation isolée. Au final, quelques nuages se contenteront de corser l'ambiance – ambiance face Nord ? – notamment dans la Cheminée terminale. Au retour, la chaleur nous surprendra même, au point que des demis bien frais seront indispensables pour étancher des gosiers asséchés par l'émotion des rappels…

Quelques liens
  • Mont-Aiguille.com, le site de Bernard Angelin, l'homme aux mille mont(s) Aiguille(s).
  • Montaiguille.free.fr, un site non officiel mais très documenté.
  • La fiche de l'ascension sur le site Camp to Camp, mise à jour par Benoît.
  • Le site du bureau des guides du Sud-Dauphiné, auquel vous pouvez vous adresser si l'ascension du mont Aiguille vous tente. Son nom est d'ailleurs une jolie trouvaille : Altalika.
  • Les brèves de comptoir de Luc, fasciné par le mont Aiguille, avec une vidéo bucolique.
  • La page consacrée à l'alpinisme sur mon site.
  • Et l'adresse du site Web sur lequel je travaille pour Sophie, céramiste (un peu de pub ne nuit pas, Ha, Ha !).

Une petite vidéo prise sur le vif, dans laquelle Pascal commente en direct l'escalade d'un passage rocheux. Cliquez sur l'image ci-contre pour la télécharger et la visionner.


(*) On m'excusera l'abus du terme 'dudit', venu d'une lecture trop fréquente des aventures de Bob Morane lorsque j'étais enfant. Henri Vernes, auteur émérite, affectionne ce genre de préfixage… si tant est que le mot préfixage soit adapté.
(**) Dans la pratique, il semble qu'une corde de 45 mètres soit suffisante pour toucher le sol de la cheminée encaissée dans laquelle on parvient. Si la corde est limitée à 40 mètres, il faut à mon avis le poser plus en amont de la cheminée précitée, ou bien être très très lourd et utiliser une corde très élastique… En conclusion, emporter une corde de deux fois 50 m paraît fortement recommandé, car les accidents en rappels (on ne voit pas le point d'arrivée lorsqu'on lance les cordes) sont redoutables.

vendredi 23 mars 2007

Drus face Ouest : la voie des Papas

Les précédents articles de ce blog sur la face Ouest des Drus (1er février et 11 février) méritaient une mise à jour commençant par un bref retour en arrière dans le temps.

Pierre Allain (1904-2000) raconte dans son livre Alpinisme et compétition (1947), sa première ascension de la face Nord des Drus avec Raymond Leininger. En 1935, la face Ouest des Drus était vierge de tout passage. L'itinéraire de la face Nord passant à droite de la Niche, la vue sur la muraille Ouest était saisissante :
À droite, le regard plonge dans les abîmes de la face ouest des Drus. Là, la verticalité est rigoureuse et seulement coupée de temps à autre par d'énormes surplombs. D'immenses dalles de protogyne présentent, sur cinquante ou cent mètres, une surface lisse et sans défaut, prototype même de l'impossible. L'alpiniste ici perd ses droits, seuls des échelons scellés ou quelque autre procédé du même genre en pourraient venir à bout; ce ne serait plus de l'alpinisme mais du travail en montagne.

Il faudra attendre 1952 pour que la face Ouest soit gravie, à l'aide de toutes les subtilités de l'escalade artificielle, encore balbutiante dans les années trente. Trois ans plus tard, Walter Bonatti ouvre en solitaire le pilier qui portera son nom, sur le fil droit de la face Ouest. Nombre de prestigieuses premières suivront, la face attirant les plus grands alpinistes. Mais en 1997, puis en 2003 et 2005, de gigantesques éboulements affectent la paroi, dégageant de fait une "nouvelle" face Ouest…

Le pilier Bonatti revisité : la voie "Les Papas"

Le numéro 315 (mars 2007) de Montagnes-Magazine publie un reportage complet sur la première de Martial Dumas et Jean-Yves Fredriksen dans cette "nouvelle" face. Le tracé suit le flanc gauche du fil de l'ancien pilier Bonatti, sur le rebord droit de la partie éboulée.

Ce faisant, les deux alpinistes ont limité l'exposition aux risques objectifs (chutes de pierres) tout en traçant une ligne élégante. Pendant leur ascension, qui a duré huit jours (28 janvier au 4 février 2007), ils ont découvert des vestiges des voies Thomas Gross (spits allemands des années 70) et Bonatti (pitons originaux de 1955).


Ci-dessus, le tracé, extrapolé à partir des photos publiées dans la presse, qui n'a rien d'officiel par conséquent !

Travail en montagne ?
Ce qui frappe dans le reportage, c'est le constant "nettoyage" des fissures qu'ont dû entreprendre les deux grimpeurs tandis qu'ils escaladaient la paroi : comme le disait Pierre Allain, un véritable travail en montagne. Mais loin de moi l'idée de dévaloriser cette magnifique première, réussie en plein hiver, soulignons-le, au prix d'un engagement total (ayant cassé leur tamponnoir, Dumas et Fredriksen ne pouvaient plus planter de gollots dès le troisième jour). La voie a été baptisée "Les Papas" par ses auteurs, jeunes pères de famille l'un comme l'autre.

Mais j'arrête là et vous conseille de lire ce numéro de Montagne-Magazine pour en savoir plus !

Valeri Babanov, le retour
Depuis, Valeri Babanov, qui avait inauguré une voie inédite début 1998, juste après le premier éboulement, a tenté à nouveau sa chance avec un compagnon. Il voulait ouvrir une voie plus directe, dans l'axe de la nouvelle face. Mais, de son propre aveu, le danger était beaucoup trop menaçant : une chute de pierres toutes les dix minutes environ, et ce malgré le gel hivernal.

Quelques liens