lundi 19 janvier 2009

Paul Auster & René Belletto

La lecture de Brooklyn Follies de Paul Auster procure un réel plaisir. Fluidité du style, intelligence de l'histoire, personnages humains attachants et crédibles. Bref, un enchantement. N'étant pas critique littéraire, je me bornerai à un petit clin d'œil à René Belletto, spécialiste des descriptions de "bruits " automobiles, qui trouve là un élève doué sinon un maître, ainsi qu'en témoignent ces quelques lignes :
La voiture produisit l’un des bruits les plus étranges de toute l’histoire de l’automobile. […] Gloussement rauque ? Pizzicati hoquetants ? Un pandémonium de rigolades ? […] Un vacarme qui semblait sorti du gosier d’une oie en train d’étouffer ou celui d’un chimpanzé ivre. Finalement, les spasmes s’unifièrent en une seule note prolongée, une éructation à la sonorité de tuba, qui aurait pu passer pour un renvoi humain. Pas exactement le rot d’un buveur de bière satisfait, plutôt un bruit rappelant le grondement lent et douloureux d’une indigestion, une décharge d’air s’échappant dans des tonalités de basse de l’œsophage d’un homme affligé au dernier degré de brûlures d’estomac.
Ce devait être aussi un assez joli défi de traduction – du moins pour un angliciste modeste tel que votre serviteur – quand on compare ce texte avec la version originale :
The engine coughed forth one of the most peculiar noises in automotive history. […] Raucous chortling? Hiccupping pizzicati? A pandemonium of guffaws? […] something that might have come from the mouth of a chocking goose or a drunken chimpanzee. Eventually, the guffaws modulated into a single, drawn-out note, a loud, tuba-like eructation that could have passed for a human burp. Not exactly the belch of a satisfied beer drunker, but a sound that recalled the slow, agonizing rumble of indigestion, a basso discharge of air seeping from the throat of a man afflicted with terminal heartburn.
Tout juste me permettrai-je de relever et rappeler que "eventually" se traduit bien par "finalement" et non par "éventuellement" – une pique contre les anglicismes snobinards que j'abhorre. Et pour conclure citons l'auteur qui nous offre un joli petit aphorisme à la fin de l'avant-dernier chapitre :
Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des livres. / One should never underestimate the power of books.
Peut-être exagère-t-il mais, pour ma part, je trouve qu'il y a de ça. À graver au fronton de toutes les librairies et maisons d'éditions… ce que je me suis empressé de faire sur le site de "mes" éditions AO. Allez-y voir, chers internautes, l'adresse est www.ao-editions.com.