jeudi 29 octobre 2009

La beauté du monde


À 2000 mètres d'altitude, entre Chamonix et le Plan de l'Aiguille. Les premiers rayons du soleil éclairent les mélèzes orangés, sur fond d'aiguilles de Blaitière et du Plan.


L'aiguille de l'M apparaît au détour d'un lacet du sentier. Pourquoi “de l'M” ? Nous vous laissons y réfléchir !


Le Brévent en majesté, photographié depuis le “jardin suspendu”. Le refuge du Plan de l'Aiguille est proche et le sentier recouvert d'une fine pellicule de glace.

mercredi 14 octobre 2009

Corde de rappel et fil à plomb

Le directeur du quotidien Le Monde publie rarement des éditoriaux. Quand il le décide, c'est que quelque chose de grave se produit. Dans le numéro daté de ce mercredi, Éric Fottorino évoque avec raison le scandale du projet de nomination du jeune Sarkozy à la présidence du plus important établissement public de France, l'EPAD (la Défense). Mon billettiste préféré, Robert Solé, imagine déjà que petit Jean est nommé à la présidence du Conseil constitutionnel afin d'y faire un stage de juriste “en vraie grandeur”. Attention : dans notre sarkozie décadente, la réalité dépasse souvent la fiction.

Le directeur du Monde emploie une formule dont les références alpines me ravissent. Après avoir affirmé qu'il y a des choses “qu'on ne s'autorise pas”, il relève que notre président, lui, “s'autorise”.
Pas de corde de rappel, pas de fil à plomb
…déplore l'éditorialiste avec raison. Que voulait-il dire exactement ? Que la verticale honorable du fil à plomb ne soucie guère notre hyperprésident, qu'il voudrait s'affranchir des lois de la gravitation ? Surtout qu'il risque de ne pouvoir redescendre la paroi difficile, raide et glissante qu'il vient de gravir. À moins d'être un as de la “désescalade”. De cela, je ne doute cependant pas…


Ci-dessus : la longueur clé du Fil à plomb, à l'aiguille du Midi, une pente raide, glacée et glissante que l'on ne descendra qu'en rappel… de préférence !

Il est vrai que faire la promotion de l'égalité des chances et, dans le même temps, pistonner son propre fils à un poste pour lequel il n'a aucune compétence, on ne peut faire pire. Quoique, attendons le prochain épisode !

dimanche 30 août 2009

Un itinéraire pour le lac Blanc

Le lac Blanc est l'un des sites les plus réputés de la vallée de Chamonix. Au cœur du massif des Aiguilles-Rouges, il dispose d'un recul idéal pour donner aux sommets du massif du Mont-Blanc toute leur ampleur, de l'aiguille Verte jusqu'au mont Blanc lui-même. Plusieurs itinéraires y donnent accès, le plus aisé consistant à emprunter les remontées mécaniques jusqu'à la Flégère, voire jusqu'à l'Index, puis à monter (ou traverser) jusqu'au lac. Nous vous recommandons un autre cheminement, un peu plus long, mais beaucoup plus varié et intéressant.


Garez-vous au parking de la gare SNCF d'Argentière (1244 m). Vous comprendrez pourquoi. De là, remontez la rue principale d'Argentière sur une centaine de mètres, jusqu'à découvrir à gauche un sentier qui démarre en pleine “ville”. Il prend vite de l'altitude au milieu de la forêt. Derrière vous, le soleil sera peut-être en train d'émerger du Chardonnet.


À la première intersection (0h30, 1437 m), n'allez pas à droite (variante par les aiguillettes) mais à gauche. Dix minutes plus tard, nouvelle intersection : laissez à gauche la direction de la Flégère pour prendre franchement à droite (0h40, 1519 m).


Progressivement, vous sortez de la forêt et passez au pied de dalles de gneiss moutonnées. Profitez-en pour exercer l'acuité de votre regard en tentant de découvrir les quelques “spits” (pitons à expansion) placés là par des varappeurs (le jeu consiste à le trouver sur la photo : cliquez dessus pour l'agrandir, ce sera tout de même plus commode).


Le sentier s'en va sur la gauche contourner un ressaut raide. Il est un peu plus escarpé puis offre de belles perspectives sur le mont Blanc (encore et toujours lui !)


Au détour d'un lacet, vous découvrirez le chalet des Gardes, où devaient faire halte les douaniers et autres gendarmes au XIXème siècle, lorsqu'ils surveillaient la Vallée depuis les sentiers (1h40, 1865 m).


Ce petit chalet peut être loué aux randonneurs comme le propose un écriteau.


L'ambiance change, les perspectives deviennent vastes, que ce soit sur le massif du Mont-Blanc ou sur les Aiguilles-Rouges. On reconnaît aisément l'aiguille de la Persévérance et son profil altier. Elle tient probablement son nom de la longue marche d'approche nécessaire pour gagner l'attaque de ses escalades réputées (en particulier les arêtes sud et nord-est).


Le chalet des Chéserys se situe à presque 2000 mètres d'altitude, au niveau d'un carrefour de sentiers (2h00). N'empruntez pas l'itinéraire “bis” vers le lac Blanc car il s'en va vers la Flégère et retrouve le sentier-autoroute, surchargé.


Préférez la direction du lac des Chéserys, sur la droite.


Vous passerez successivement à proximité de deux cairns, pour, au second, partir franchement à gauche (2h30, vers 2200 m) et parvenir un quart d'heure plus tard au lac des Chéserys (2211 m).


Très apprécié des photographes, le lac forme un miroir dans lequel se reflète la chaîne du Mont-Blanc. Le grand angle est cependant requis si l'on souhaite embrasser d'un seul cliché tous les sommets !


De là, on aperçoit le refuge du lac Blanc, que l'on rallie en un peu moins d'une demi-heure, en empruntant au passage quelques échelles et portions de sentier aménagées (3h00 environ d'Argentière). Rien de vertigineux ni dangereux, soyez rassurés !


Le site du lac Blanc (2352 m) et son refuge, nous l'avons dit, constituent un belvédère exceptionnel sur le massif du Mont-Blanc. À tel point d'ailleurs que la montagne qui le domine (retournez-vous) s'appelle… le Belvédère.


Le Belvédère est le point culminant des Aiguilles-Rouges, ratant de peu les 3000 mètres d'altitude (2965 m). On le reconnaît à son curieux “chapeau calcaire” ressemblant, de loin, à la toiture d'un bâtiment. C'est aussi le sommet présentant à la fois l'itinéraire d'escalade le plus facile du massif (sa voie normale, avec une jolie cheminée en deuxième degré) et les voies les plus techniques et les plus difficiles des Aiguilles-Rouges. Celles-ci se développent dans la partie compacte de la paroi, à droite de l'aplomb du sommet. Ces voies “modernes”, ouvertes par des spécialistes comme Michel Piola, portent des noms évocateurs : Baisers orageux, Pour avoir trop rêvé ou Le mariage de la terre et du vent. Elles opposent toutes des passages situés en haut de l'échelle des difficultés (sixième voire septième degré sur les neufs que compte cette échelle).


Plus à gauche, c'est la pointe Nord des Crochues (2837 m), dernier sommet de la classique Traversée des Crochues (peu difficile). Avec un peu de chance, vous pourrez distinguer des alpinistes se tenant au sommet.


Depuis le lac Blanc, l'aiguille Verte dans toute sa majesté (4122 m), avec, sur sa droite, l'aiguille Croux et l'aiguille Sans-Nom.


Le cliché ultra-classique du massif du Mont-Blanc vu du lac Blanc.

Pour descendre, vous pouvez emprunter le même itinéraire qu'à la montée, mais c'est un peu monotone. Vous pouvez aussi rejoindre le col des Montets, mais ce sera un peu compliqué d'aller récupérer votre voiture à Argentière. Aussi pouvez-vous vous accorder une “assistance mécanique” en redescendant à la Flégère par l'itinéraire “normal”. Mieux vaut dans ce cas être partis tôt le matin pour éviter la file d'attente au téléphérique. Le sentier est parfois caillouteux (à croire qu'il a été usé par les multiples passages) et vous ramène en une heure et quelque à la Flégère (1890 mètres d'altitude, soit à peine 500 mètres plus bas que le lac).


La descente coûte environ 10 euros (contre 12,50 pour un aller-retour, la marche à pied n'est ici guère encouragée, voir annexe tout en bas de cet article). La Compagnie du Mont-Blanc s'attache en effet à “créer de la valeur pour ses actionnaires”, ceci expliquant cela. Une fois aux Praz-de-Chamonix, traversez le carrefour au milieu duquel trône la jolie petite chapelle sur fond de Drus et d'aiguille Verte, repérez le passage à niveau, ne le traversez pas mais longez la voie ferrée sur quelques dizaines de mètres pour découvrir la petite gare des Praz-de-Chamonix. Un train y passe, cadencé à l'heure, et vous ramènera à la gare d'Argentière via les Tines et la Joux, en une dizaine de minutes.


Depuis la gare, une amusante perspective superpose l'aiguille de l'M (au premier plan) et les Grands Charmoz (au fond), flanqués de leur célèbre aiguille de la République (à gauche).

Toutes les photos de cet article ont été prises le jour de la randonnée, sauf celle du lac des Chéserys, qui date de 2005.


Annexe : courrier adressé à la compagnie du Mont-Blanc. (Je vous tiendrai au courant de la suite qui lui sera donnée).

« Messieurs,

La tarification de vos installations de la Vallée souffre d’un défaut dommageable : les parcours simples, en particulier les descentes, sont tarifés presque aussi cher que les allers-retours. Il est vrai que, traditionnellement, on encourage les clients à préférer l’aller-retour. Dans le contexte de la randonnée, cependant, cette politique n’est guère pertinente puisque le client souhaitant marcher, l’aller-retour ne présente pour lui aucun intérêt !

Âgé de cinquante ans, je fais partie de ces randonneurs qui commencent à préférer la montée à la descente ! Aussi ai-je souvent envie de monter à pied, tôt le matin, pour profiter de la lumière du soleil levant et de la tranquillité sur les sentiers, quitte à emprunter vos remontées pour… descendre (si je puis me permettre cet emploi impropre de « remontée »).

Or à chaque fois, c’est le « coup de massue ». 18 euros pour descendre du Plan de l’Aiguille ou du Montenvers, 10 euros à Lognan ou à la Flégère. Il faut, de surcroît, multiplier cela par deux quand on randonne en couple. Reconnaissez que 36 euros pour un retour du Plan, c’est une somme !

Comme vous nous invitez à effectuer des suggestions, voici la mienne : un billet spécial « descente matinale », à utiliser avant midi par exemple, au prix de l’ordre de 5 ou 6 euros. La plupart de vos trains et bennes descendent en effet à vide dans cette plage horaire, autant les remplir. Cette formule rendrait aussi service aux gens qui travaillent dans la Vallée et souhaitent faire une rapide randonnée matinale pour entretenir leur forme physique…

Espérant que ma suggestion retiendra votre attention, je vous adresse mes cordiales salutations »

jeudi 20 août 2009

Randonnées aoutiennes


5 août : l'un des étangs du “sentier des trois gouilles” (avec un G comme Gustave, le mot signifie “étang”, calembours proscrits) au-dessus de Servoz.


6 août : sur l'arête terminale du Prarion, la vue sur l'aiguille et le dôme du Goûter est magnifique.


7 août : le glacier d'Argentière façonne d'étranges sculptures de glace.


8 août : aux Ayères, la fontaine et le massif du Mont-Blanc (la photo date du 16, car ce jour-là nous étions au cœur des nuages…)


9 août : chalets et lac de Pormenaz, au départ du Mont (Servoz). Le temps de prendre une photo et me voici (très) en retard…


10 août : la pointe d'Ayères, véritable étrave de navire fendant les nuages…


11 août : en montant aux Posettes et à la Tête de Balme, le mont Blanc et ses voisins font les coquets en s'empanachant de brumes matinales.


12 août : sur le plateau du Désert de Platé, avant de redescendre les “égratz” (degrés) de Platé.


13 août : quand le soleil éclaire les Grands Charmoz et le Grépon depuis l'envers. Cliché pris depuis le refuge du Plan de l'Aiguille, peu avant 9 heures du matin, après 1200 mètres de montée.


16 août : depuis le chalet de Moëde-Anterne, trois chaînes de montagnes en diorama. L'aiguille de la République titille l'arête des Hirondelles des Grandes Jorasses…


17 août : solitude au signal Forbes, sur fond de Mer de Glace et de Grandes Jorasses.


18 août : il faut absolument aller se restaurer au refuge de Lognan, à deux pas de la station de téléphérique homonyme. Accueil chaleureux de “Clo” et repas savoureux, même à dix heures du matin (partis à 6h30 des Tines, nous avions faim).


19 août : en pleine canicule, un timide orage consent à se déclencher au-dessus de Servoz tandis que le soleil fait jaillir un arc-en-ciel.

mercredi 29 juillet 2009

Le mont Blanc trente ans après


Les blogs pèchent fréquemment par nombrilisme. J'exagère ? Aujourd'hui, il y a de ça puisque me voici célébrant un anniversaire très personnel.

Le 29 juillet 1979, il y a donc trente ans (bigre), je m'étais levé tôt, très tôt : une heure du matin. Grands dieux, mais pour quelle raison bizarre ? En montagne, l'été, la neige a la fâcheuse tendance à se ramollir sous l'action du soleil. Si l'on souhaite gravir un versant glaciaire, on est contraint de partir de nuit, lorsque la température consent à descendre. Le guide de haute montagne Gilbert Pareau, grâce auquel j'avais pu réussir plusieurs ascensions, m'avait proposé la face nord de l'aiguille de Bionnassay. Sur la photo ci-dessus, c'est le sommet qui commence tout juste à s'illuminer, à droite. Pris il y a quelques jours à 7 heures du matin, ce cliché correspond par conséquent à l'heure à laquelle nous étions parvenus au sommet en 1979, à 4052 mètres d'altitude, après cinq heures et quelque de montée.


Voici à quoi ressemblait ce sommet. Les internautes sont priés de ne pas ironiser sur l'équipement, certes désuet. Ils noteront qu'un seul piolet avait été employé durant cette ascension de mille mètres sur des pentes frôlant parfois une inclinaison de cinquante degrés. Contraste saisissant : après cette face, ce sera une arête, l'une des plus effilées et vertigineuses du massif du Mont-Blanc (dixit François Damilano) que nous suivrons pour rejoindre le col de Bionnassay, puis le piton des Italiens et, plus haut, le voisinage du Dôme du Goûter.


En cliquant sur cette image, vous l'afficherez en grand format. De gauche à droite sont indiqués le Dôme (flèche au centre), l'arête Bionnassay-Dôme et la face nord. Le refuge de Tête Rousse (où l'on dormit brièvement) est indiqué par la flèche située à droite de l'aiguille du Goûter, cette pyramide noirâtre au centre du panorama.

À 9 heures du matin (heure à laquelle cet article est rédigé), c'est une halte à proximité du sommet du Dôme du Goûter. Excellente occasion de se restaurer. Gilbert, le guide, a une idée derrière la tête. Le programme initial prévoyait de descendre sur l'aiguille du Goûter puis de rejoindre Tête Rousse et enfin le terminus du TMB, le petit train à crémaillère capable de nous ramener sur le plancher des vaches. Voilà qu'il me montre le sommet du mont Blanc, qui semble tout proche. Jamais je n'ai été aussi près du Toit de l'Europe. “Réfléchis bien” me souffle-t-il pendant que je mastique quelques provisions. Il est vrai que la réflexion s'impose ici. C'est l'occasion rêvée. Pourtant, avec déjà sept heures de marche depuis notre départ matinal, je ne suis pas à proprement parler frais comme un gardon (si tant est que les gardons circulent sur la voie normale du mont Blanc).

La décision est prise : je suivrai mon guide en direction de ce sommet mythique. Il faudra trois heures pour l'atteindre (contre un horaire habituel de deux heures), via le refuge Vallot et les fameuses Bosses. Ce mont Blanc n'a pas l'habitude de se rendre sans que les prétendants n'en bavent quelque peu. Ce fut mon cas. Peu après 13 heures, après douze heures d'efforts, nous étions enfin là-haut.


À gauche, les derniers mètres avant d'arriver au sommet du mont Blanc. À droite, Gilbert imite avec humour les clichés “victorieux” des expéditions himalayennes. J'avais ajouté à l'époque sur un tirage papier un slogan vantant les mérites du matériel Charlet-Moser (marque des piolets et crampons qui nous équipaient).


Pour ma part, j'avais adopté une posture nettement moins héroïque mais plus propice au repos. En arrière-plan, on peut identifier sur la gauche l'aiguille Verte et à droite les Grandes Jorasses. Pas à dire : nous sommes bien à 4807 mètres d'altitude, seuls en raison de l'heure tardive : un luxe inouï quand on connaît la fréquentation du mont Blanc un 29 juillet !

Pour la suite, ce sera comme dans les vidéos de TVMoutain : la descente ne sera pas détaillée. Sachez juste qu'il faudra effectuer la traversée des Trois monts à l'envers jusqu'au refuge des Cosmiques (à l'époque laboratoire des Cosmiques) où nous arriverons vers 17h30.

mardi 14 juillet 2009

Surprises au Vaccivier

La version imprimable (PDF) de cet article est téléchargeable à partir de la page des téléchargements du site des éditions AO • André Odemard. Vous trouverez aussi une galerie de photos complète sur le site d'Olivier Rousseau, ainsi que le compte rendu de Benoît sur CampToCamp à cette adresse.


Le refuge du Pigeonnier et le pic du Vaccivier.

Ceux qui connaissent l’auteur de ces lignes s’étonneront qu’il ait envisagé d’aller en montagne sans consulter au préalable force topos et notes techniques, d’autant qu’il s’aventurait en dehors des limites du massif du Mont-Blanc – tel le parisien se rendant soudain compte qu’un autre monde existe au-delà du boulevard périphérique. Eh bien croyez-le ou pas, il partit sans disposer d'aucune information sur l'ascension projetée, au point d'ailleurs que celle-ci évolua en cours de route, mais n'anticipons pas…


Surprises sur prises
L’instigateur de cet audacieux projet n’était autre que Benoît (orthoptiste, deuchiste et inscrit à CampToCamp entre autres références) qui avait déjà réussi l’exploit d’entraîner son ami Jean-Luc au mont Aiguille, au Grand Paradis et à la pointe de la Réchasse. Passant du statut de “projet” à celui de réalité le 14 juillet, cette nouvelle ascension se révéla riche en surprises.


De gauche à droite : Jean-Luc, Françoise, Pascal et Benoît.

À la façon des Trois Mousquetaires, la caravane se composa non de trois personnes mais de quatre. Pascal, le guide, avec qui Benoît et votre serviteur avaient déjà gravi les deux premiers sommets précités, avait proposé de monter aux Rouies dans le massif des Écrins. Il avait eu aussi l’idée d’associer son épouse à la cordée. Et de quatre !

Les deux monchus n’eurent pas à regretter la présence de Françoise, métronome de référence pour la montée au refuge du Pigeonnier, infirmière diplômée prodiguant conseils et pharmacopée (Aspirisucre® pour les uns, génépi pour les autres), créant de fait une nouvelle profession para-alpine, joyeuse compagne de course enfin, capable de redonner de l’allant aux clients de son mari y compris dans les pentes les plus raides et les tempêtes les plus décoiffantes.

La météo, capricieuse selon son habitude, avait accumulé tous les signes d’une dégradation susceptible de compromettre la course – et d'occasionner une mauvaise surprise, que ce soit mardi 13 au soir, avec l’arrivée de nuages sinon noirs du moins gris (très) sombre, ou mercredi 14 au matin : à 4 heures, déjà, les mêmes nuages stationnaient obstinément du côté des Rouies tandis que la température restait trop clémente pour un petit matin à 2400 m d’altitude.


« Ravoures du matin… chagrin ! »

Si de telles conditions rendaient la cigarette fumée en catimini à l’extérieur plus confortable, elles pouvaient aussi décourager le départ. Il n’en fut rien puisque Pascal, assumant la décision comme savent le faire les guides professionnels, n’en parut aucunement préoccupé et eut une intuition juste, confirmée par la dissolution des signes avant-coureurs de mauvais temps tandis que nous montions. L’orage serait pour le lendemain. Durant la première heure de marche, il fallut veiller à ne pas se déconcentrer en tentant (de tête et sans succès) une traduction simultanée du babil de deux anglaises trop jeunes pour être essoufflées. When I was younger, so much younger than today, I never needed anybody's help in any way…


Pascal médite : fera-t-il beau demain ?

Surprise aussi quant à la nature du cheminement
Le lecteur objectera que sans aucune documentation préalable, la surprise n'avait pas lieu d'être. Ce serait compter sans l’imagination, qui faisait fantasmer la voie normale des Rouies comme un long glacier presque horizontal conduisant sans obstacle particulier à un débonnaire sommet. Il s’agissait en réalité d’un vaste névé bordé de murailles abruptes, à la pente prononcée puisque flirtant avec les trente degrés, s’achevant par une écharpe à gauche plus proche des quarante (dixit CampToCamp). Il y avait même un étroit couloir plus raide qui aurait pu servir de voie d’accès au plateau glaciaire sommital, auquel l’écharpe précitée fut préférée pour de compréhensibles motifs d’efficacité et de ménagement des mollets des monchus – ce qui n’empêcha pas Pascal de retenir d’une seule main sûre une brève glissade de l’un des membres de la cordée (le plus lourd pour ne pas le nommer et pour souligner la vigueur de la parade).


Le pic du Vaccivier, 3 312 m (flèche). On distingue à sa gauche l'étroit couloir au-dessus de la pente de neige (masquée ici par l'éperon rocheux).

Surprise enfin sur le point culminant
Ci-dessous, de gauche à droite, les Rouies, le blogueur et le guide au sommet du pic du Vaccivier (merci Françoise pour la photo).

Vers 8h30, après quelque 3h45 de marche, alors que la cordée venait d’achever l’ascension de l’écharpe et se trouvait en plein vent (du sud mais frais), une rapide expertise du moral des troupes par le guide (et son assistante) conduisit à abandonner l’objectif initial pour se replier sur un “sommet de remplacement”, le Pic du Vaccivier (non, pas “vacciné”, rien à voir avec la médecine), tout proche sur notre droite, au sommet principal duquel nous pûmes nous tenir à 9 heures très précises, tandis que le soleil daignait enfin faire sa complète apparition.


Benoît sera agréablement surpris, pour sa part, d’expérimenter la douceur de la neige bien transformée à la descente, incomparablement plus confortable que la neige molle et profonde du Grand Paradis l’année précédente. Ce qui demanda 2h30 à la montée fut avalé en une heure à la descente (hors arrêt pour ôter les crampons).

On aurait pu encore être surpris en découvrant la personnalité de Georges, gardien du refuge du Pigeonnier. Fort heureusement, Pascal nous avait prévenus. Sage précaution : sachez, chers internautes, que cet homme est capable de vous proposer aux repas la carte suivante : tête de choucas aux graviers (Pihu, mon copain choucas, en tremble encore d’indignation), sandwich à la marmotte et œuf de shangrila à la coque, une cuisine politiquement incorrecte quelques semaines après les élections au parlement européen ayant vu la (quasi) victoire des écologistes. Après un véritable one man show de Georges pendant le dîner et quelques verres (obligatoires) de génépi-sur-sucre, de tels scandales furent vites oubliés – et passés par pertes et profits dans les toilettes sèches (cela existe, nous vous le confirmons) ou dans les poches à eau des sacs, beaucoup moins sèches par la force des choses.

Que de plaisir donc pour ces deux journées et 3400 mètres de dénivelés, au gré de surprises qui, convenez-en, auraient pu décourager les plus aguerris des alpinistes – mais pas la cordée ci-dessus ! D’amicaux remerciements sont par conséquents adressés ici à toutes les personnes qui ont contribué à la réussite de cette expédition.
Ci-contre : le docteur Taff' ausculte sa motivation matinale (photo Benoît).

Fiche-horaire
Le déroulement de la course est récapitulé dans la “fiche-horaire” ci-dessous, calquée dans sa présentation sur celle des horaires de chemin de fer du temps du Chaix (les amateurs apprécieront). Il fallait bien ajouter une touche “ferrovipathe” à cet article !


Les internautes intéressés par ce tableau, réalisé sous Excel, peuvent le télécharger gratuitement sur le site de “mes” éditions AO André Odemard (et pourquoi pas, chemin faisant, commander un des ouvrages figurant au catalogue !)