vendredi 23 mars 2007

Drus face Ouest : la voie des Papas

Les précédents articles de ce blog sur la face Ouest des Drus (1er février et 11 février) méritaient une mise à jour commençant par un bref retour en arrière dans le temps.

Pierre Allain (1904-2000) raconte dans son livre Alpinisme et compétition (1947), sa première ascension de la face Nord des Drus avec Raymond Leininger. En 1935, la face Ouest des Drus était vierge de tout passage. L'itinéraire de la face Nord passant à droite de la Niche, la vue sur la muraille Ouest était saisissante :
À droite, le regard plonge dans les abîmes de la face ouest des Drus. Là, la verticalité est rigoureuse et seulement coupée de temps à autre par d'énormes surplombs. D'immenses dalles de protogyne présentent, sur cinquante ou cent mètres, une surface lisse et sans défaut, prototype même de l'impossible. L'alpiniste ici perd ses droits, seuls des échelons scellés ou quelque autre procédé du même genre en pourraient venir à bout; ce ne serait plus de l'alpinisme mais du travail en montagne.

Il faudra attendre 1952 pour que la face Ouest soit gravie, à l'aide de toutes les subtilités de l'escalade artificielle, encore balbutiante dans les années trente. Trois ans plus tard, Walter Bonatti ouvre en solitaire le pilier qui portera son nom, sur le fil droit de la face Ouest. Nombre de prestigieuses premières suivront, la face attirant les plus grands alpinistes. Mais en 1997, puis en 2003 et 2005, de gigantesques éboulements affectent la paroi, dégageant de fait une "nouvelle" face Ouest…

Le pilier Bonatti revisité : la voie "Les Papas"

Le numéro 315 (mars 2007) de Montagnes-Magazine publie un reportage complet sur la première de Martial Dumas et Jean-Yves Fredriksen dans cette "nouvelle" face. Le tracé suit le flanc gauche du fil de l'ancien pilier Bonatti, sur le rebord droit de la partie éboulée.

Ce faisant, les deux alpinistes ont limité l'exposition aux risques objectifs (chutes de pierres) tout en traçant une ligne élégante. Pendant leur ascension, qui a duré huit jours (28 janvier au 4 février 2007), ils ont découvert des vestiges des voies Thomas Gross (spits allemands des années 70) et Bonatti (pitons originaux de 1955).


Ci-dessus, le tracé, extrapolé à partir des photos publiées dans la presse, qui n'a rien d'officiel par conséquent !

Travail en montagne ?
Ce qui frappe dans le reportage, c'est le constant "nettoyage" des fissures qu'ont dû entreprendre les deux grimpeurs tandis qu'ils escaladaient la paroi : comme le disait Pierre Allain, un véritable travail en montagne. Mais loin de moi l'idée de dévaloriser cette magnifique première, réussie en plein hiver, soulignons-le, au prix d'un engagement total (ayant cassé leur tamponnoir, Dumas et Fredriksen ne pouvaient plus planter de gollots dès le troisième jour). La voie a été baptisée "Les Papas" par ses auteurs, jeunes pères de famille l'un comme l'autre.

Mais j'arrête là et vous conseille de lire ce numéro de Montagne-Magazine pour en savoir plus !

Valeri Babanov, le retour
Depuis, Valeri Babanov, qui avait inauguré une voie inédite début 1998, juste après le premier éboulement, a tenté à nouveau sa chance avec un compagnon. Il voulait ouvrir une voie plus directe, dans l'axe de la nouvelle face. Mais, de son propre aveu, le danger était beaucoup trop menaçant : une chute de pierres toutes les dix minutes environ, et ce malgré le gel hivernal.

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