dimanche 2 septembre 2007

Un mont Blanc en arrière-plan

Prologue : trilogies

Avez-vous entendu parler de la trilogie de Lucas Belvaux ? Dans trois films, le réalisateur avait mis en scène trois histoires différentes se déroulant dans la même plage de temps. Chaque film place au premier plan une histoire, tandis que les autres figurent en arrière-plan. Eh bien c'est un peu ce qui s'est produit le 6 août, tandis que nous traversions les pointes Lachenal.

L'énigme
Ce jour-là, en effet, Marie-Laure avait prévu de gravir le mont Blanc, après une semaine d'entraînement qui l'avait conduite à l'aiguille du Tour et au Grand Paradis. Je savais que le jour avait été choisi en raison du retournement météo prévu pour le lendemain, sans toutefois connaître la stratégie adoptée par son guide, hormis qu'ils devaient passer par la traversée au départ de l'aiguille du Midi.

Il y a déjà pas mal d'années, alors que Marie-Laure séjournait dans la Vallée avec sa famille, Sabine et moi lui avions fait découvrir ce magnifique secteur du col du Midi en l'emmenant au refuge des Cosmiques en aller-retour depuis l'Aiguille. Elle avait alors 16 ans, et en a aujourd'hui 28. Nous avions sans doute contribué à son projet d'aller au mont Blanc… Voici pourquoi je suivais avec grand intérêt son aventure alpine !

Trilogies
Trilogie… cela fait penser à Christophe Profit, et ses trilogies de faces Nord en solo (Eiger, Cervin, Grandes Jorasses). Or nous l'avions croisé en descendant des pointes Lachenal : autre "lien" entre nos deux histoires.
Trilogie aussi avec l'itinéraire d'accès au mont Blanc que l'on appelle la voie des Trois Monts parce qu'elle passe au sommet ou à proximité des sommets du mont Blanc du Tacul et du mont Maudit avant de s'achever au mont Blanc.

Insu-portable
Bien qu'estimant que le téléphone portable empêche de profiter de l'instant présent en nous dispersant entre plusieurs réalités, j'avoue ici avoir employé cet engin en haute montagne. En effet, n'ayant pas vu Marie-Laure dans la file d'attente de la benne, ce lundi vers 6h, j'en avais déduit qu'elle avait dû dormir aux Cosmiques, et qu'elle pouvait donc se trouver non loin du mont Blanc, car il était 8 heures (départ 2 heures du refuge, 6h d'ascension). Aussi lui avais-je laissé un message au cas où… et Benoît m'avait-il photographié (ah ! les paparazzi !).
Comme tous les jeunes d'aujourd'hui – ah, là, là, ma pauvre dame – Marie-Laure laisse allumé son téléphone. Mais elle eut la sagesse de ne pas répondre, car, au moment où je supposais qu'elle pouvait se trouver au sommet du mont Blanc, elle était en réalité en plein milieu de la voie normale du Tacul ! Elle devait donc garder son souffle pour suivre les pas de son guide.

Zoom sur le Tacul

La photo prise vers 8h15, qui figure dans le récit de la pointe Lachenal, devient beaucoup plus intéressante ! Car, parmi les petits points qui parsèment la trace, doivent nécessairement figurer Marie-Laure et son guide… (cliquez sur la photo pour zoomer).

Autre référence cinématographique :
rappelez-vous, ces films d'espionnage américains, comme Ennemi d'État, dans lequel le FBI observe des vues de satellites. Le héros ordonne à l'informaticien :
– Faites un zoom sur cet angle de la photo !
Discipliné, l'informaticien tape des formules cabalistiques sur son clavier, un petit bruit magique se fait entendre, et le zoom s'affiche. Le héros reprend :
– Pouvez-vous grossir ce personnage ? On a besoin de connaître la marque de sa montre.
— À vos ordres !

Comme le proclame le slogan du film : « ce n'est pas de la paranoïa, nous sommes tous observés ! » Message à l'intention du FBI : si vous pouvez me fournir quelques photos satellites du secteur du col du Midi, le 6 août vers 8 heures, cela me serait très utile, voyez plutôt ce que donne mon zoom à moi :

On reconnaît très bien Marie-Laure, précédée de son guide, à mi-chemin entre le col du Midi et l'Épaule du Tacul (ne dites pas le contraire, vous me vexeriez). Pour la marque de la montre du guide, cliquez sur la photo et zoomez comme dans Ennemi d'État.

Solution de l'énigme
La solution de l'énigme est assez simple : contrairement à ce que j'avais supposé, la cordée était partie le matin-même par la première benne. À midi pile, ils étaient au sommet du mont Blanc, avec le privilège inouï de disposer du Toit de l'Europe pour eux seuls. Revenant par le même itinéraire, ils avaient alors choisi de dormir au refuge des Cosmiques au retour, y retrouvant… Christophe Profit, qui, après avoir emmené ses clients aux pointes Lachenal, faisait de même en vue de faire une autre course le lendemain…

Et bravo à Marie-Laure pour « son » mont Blanc !